La rose de Raby
réparer une bride ou un licou, l'odeur de cuir...
—
Kathryn?
La jeune femme ouvrit les yeux.
—
Vous avez fait du bon travail pour le Conseil et pour moi, poursuivit l'archevêque. Oh, nous vous payons. À présent je désire vous récompenser, pas fureter ni être indiscret.
Le cœur de Kathryn s'emballa.
—
Votre vie privée concerne le prêtre qui vous entend en confession et vous donne l'absolution, cependant, comme vous le savez, j'ai beaucoup d'influence. J'ai déjà envoyé des courriers à tous les prêtres des villes et des villages par où sont passées les armées lancastriennes en rejoignant Tewkesbury, leur demandant de bien chercher ce qu'ils pourraient savoir sur un homme du nom d'Alexander Wyville.
—
Il aurait pu changer d'identité ! rétorqua Kathryn. Il a rejoint les troupes de Faunte hors de Westgate. Même alors il prétendait être ce qu'il n'était pas.
Bourchier se gratta le menton.
—
Je sais. Nicholas Faunte, le feu mais non regretté maire de Cantorbéry, ».
levé une armée pour les Lan- castre, et l'a conduite à l'ouest. Les hommes voulaient participer à la grande victoire. Chemin faisant, ils espéraient aussi s'enrichir par la rapine et le pillage. Pour tenter d'échapper aux griffes de la loi, beaucoup prirent des noms d'emprunt, y compris ceux de plantes comme Pyrèthre, Ellébore, Verveine.
Bourchier marqua une pause puis :
—
Nous le savons à présent, certaines de ces troupes sont arrivées à Tewkesbury, où le roi Edouard et ses frères infligèrent une cuisante défaite à la maison de Lancastre, qui disparut dans l'ombre.
L'archevêque prit la clochette et la fit tinter.
—
Amenez-le ! cria-t-il. Dites à Maître Monksbane que je le reçois tout de suite.
Kathryn dévisagea l'étrange individu qui s'avançait dans la salle. Bourchier ne broncha pas quand celui-ci s'agenouilla devant le siège d'apparat pour baiser l'anneau épiscopal. Après quoi, il prit le tabouret en face. C'était un homme très maigre, aux yeux pâles, aux cheveux gris, vêtu d'une veste et de jambières en velours de coton. Ses bottes, cependant, ainsi que sa besace et sa ceinture de guerre travaillée, semblaient coûteuses. C'était le genre d'individu que Kathryn, si elle l'avait aperçu au milieu d'une foule, aurait été incapable de décrire en détail : un homme presque sans visage, que rien ne singularisait. Pourtant, quand il sourit, Kathryn éprouva un élan de chaleur.
Monksbane semblait fier de son métier, quel qu'il soit, et, de toute évidence, il avait la confiance de l'archevêque.
Celui-ci remua sur son siège.
—
Puis-je vous présenter Monksbane, Maîtresse Swinbrooke ? Je ne pense pas qu'il ait reçu ce nom-là sur les fonts baptismaux, mais c'est ainsi qu'il aime qu'on l'appelle, maintenant. Il a étudié aux Écoles de droit de Chancery Lane, puis il a traversé des moments difficiles, mais s'est ressaisi pour devenir l'un des premiers chasseurs de rats de la capitale...
—
Du quartier de Farringdon précisément, Votre Éminence, intervint Monksbane.
Il avait une voix cultivée et s'exprimait aussi posément qu'un prêtre.
—
C'est vrai, oui, admit Bourchier. Monksbane est très fier de son ancien métier.
—
Vous êtes venu à Cantorbéry pour chasser les rats ? interrogea Kathryn.
—
Non, Kathryn, dit Luberon.
Le clerc était plus détendu, bien qu'il lui fût difficile de cacher combien la déclaration sans détour de Kathryn au sujet de Colum Murtagh l'avait profondément troublé.
La jeune femme se pencha en avant.
—
Vous dites, Simon?
—
Il n'est pas ici pour chasser les rats, répondit-il en souriant.
Bourchier tapota Monksbane comme il l'aurait fait avec son dogue.
— Monksbane est mon homme, mon homme en temps de paix et en temps de guerre. C'est un chasseur de primes, Kathryn. Las de tuer des rats, il est venu à Cantorbéry et m'a proposé ses services. Vous n'imaginez pas comme l'Église doit se mettre en chasse souvent, n'est-ce pas, Monksbane?
—
Oh oui, Votre Éminence. Nous vivons dans une vallée de larmes.
L'homme prit un ton tellement sinistre que Kathryn eut du mal à ne pas sourire.
—
En vérité, le prédicateur assure qu'on ne peut pas servir à la fois Dieu et Mammon. Bien des prêtres quittent leur paroisse en emportant le tronc des offrandes et le saint calice.
—
Surtout maintenant, soupira Bourchier. Pendant la guerre, beaucoup d'ecclésiastiques ont abandonné leur vie : des
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