La Rose de Sang
femmes drapées dans des
étoffes chatoyantes, couvertes de pierreries multicolores, et des seigneurs de
sa cour à longs pendants d'oreilles, leurs poitrines constellées de plaques
d'or.
Zéphyrine se sentait
bien dépouillée dans sa tenue de cotonnade. Elle regrettait de n'avoir pu
emporter les somptueuses robes à vertugadin de Cortés. Le choc sur les Incas
eût été salutaire.
Vêtu comme une
divinité, d'une tunique blanche en laine de vigogne, un ruban d'or cerclant
chaque jambe au-dessous du
genou, une longue cape à dessins géométriques sur les épaules, des tresses
multicolores à longues franges rouges descendant jusqu 'aux yeux, surmontées d'une couronne de
pierreries à plumes noires et blanches, Atahualpa, c'était certain, se méfiait
de la créature qu'il daignait interroger.
— Dis
à Sa Majesté Toute-Puissante l'Inca, fils de Viracocha, maître de la beauté du
Soleil, que je suis une amie, venant en avant -garde
le prévenir que des étrangers sont sur son sol. Que Sa Majesté l'Inca les traite aimablement, en
visiteurs, mais se méfie et ne leur laisse pas trop de pouvoir...
Tandis que
Pando-Pando, courbé en deux, traduisait pour son souverain, Zéphyrine détailla mieux
Atahualpa.
C'était un homme
d'une trentaine d'années au beau visage cuivré, énigmatique et triste. Un
profil d'oiseau de proie taillé dans l'acajou.
Soudain, Zéphyrine
blêmit : l'Inca portait autour du cou un collier d'émeraudes d'une grosseur et
d'un éclat extraordinaires. C'était la réplique exacte, en plus grand, des
trois mystérieux colliers [127] des filles de Saladin. Mais celui-ci réunissait tous les signes en un seul. Le
bijou se terminait par trois pierres centrales enserrées dans les griffes d'un
aigle, les anneaux d'un serpent et la gueule d'un léopard.
A la différence des
colliers que Zéphyrine avait eus entre les mains, les pierres centrales étaient
posées sur un pectoral d'or massif, serti lui-même de pierres précieuses et
dont les dessins représentaient trois triangles traversés d'une flèche, trois
cercles avec des flambeaux, trois rectangles piqués d'une lance !
Les mêmes que dans
la grotte des Canaries... Les mêmes que les plaquettes mauves que Zéphyrine
portait autour du cou. Elle tâta machinalement son médaillon sous la cotonnade
de sa chemise blanche.
— Tu
n'as pas répondu, femme pâle ! fit Pando-Pando.
— Heu...
peux-tu répéter, ami?
Zéphyrine n'avait
rien entendu de la question.
— Le
Sapa Inca Tout-Puissant, dans son infinie bonté, veut savoir d'où tu viens,
Zéphyrine pâle !
— D'un pays par-delà
l'Océan, gouverné par un grand roi, bon et généreux..., dit Zéphyrine en
pensant à François I er .
— L'Inca
Seigneur de Tout veut savoir si ton roi est plus important que lui ?
— Certainement
pas. Mon roi est un souverain très considéra ble, mais il est le « frère » de
l'Inca sur terre.
— Ton
roi croit-il en Viracocha ?
Zéphyrine n'hésita
pas.
— Comme
le Tout-Puissant Inca, mon roi croit en un Dieu pouvoir de tout ce qui existe
dans le monde.
— Pourquoi
oses-tu dire à l'Inca Grand sans mesure de se méfier du retour de Viracocha,
seigneur de l'Océan céleste?
— Comprends
bien, Pando-Pando... Explique à Sa Majesté le Sapa Inca que les étrangers au
visage pâle comme le mien ne sont pas les fils de Viracocha revenu, ils ne sont
que des hommes... des Espagnols venus de l'autre côté de l'Océan...
— Sacrilège!
L'Inca, Maître des fruits de la terre, est très mécontent, Zéphyrine pâle ! fit
Pando-Pando en tremblant. L'Inca sait que tu mens ! Les dieux blancs sortis de
l'Océan viennent vers lui pour le couronner. Ils ne sont plus loin...
Excuse-toi, Zéphyrine pâle ! ajouta Pando-Pando, terrifié.
— Mon
Dieu, Madame, qu'avez-vous fait là ! chuchota Pluche.
L'Inca s'était levé
de son trône. Sa cour se groupait autour de lui.
Ses yeux jetaient
des éclairs de fureur. Zéphyrine s'inclina, une main sur le cœur.
— Mes intentions sont
pures, Sapa Inca, maître de la terre et des montagnes. Que Sa Majesté croie en
mes excuses. Si quelqu'un d'autre, Pando-Pando, lui a confirmé que les
étrangers étaient des dieux, Il ou Elle a menti... Dis bien à Sa Majesté l'Inca, seigneur de son
puissant trône, qu'une femme pâle aux cheveux noirs, se
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