La Rose de Sang
hésiter.
Il offrit à ses
invités une peau de lama disposée sur une couche d'herbe sèche pour la nuit.
Zéphyrine s'endormit entre demoiselle Pluche et Piccolo.
Quand elle se
réveilla, l'épouse de Pando-Pando lavait sa chevelure avec un liquide jaune.
— Regardez,
Madame, voilà ce qui leur donne de si beaux cheveux i dit demoiselle Pluche
avec admiration.
Tout en se
préparant, Zéphyrine interrogea Pando-Pando sur la mystérieuse décoction des
dames indiennes. La fière réponse de I'Inca laissa les trois voyageurs stupéfaits
: comme toutes les dames incas, madame Pando-Pando se lavait la tête avec sa
propre urine !
— Toi
pas venir comme ça, femme pâle ! Ni toi vieille déesse venue du ciel, ajouta
Pando-Pando en regardant demoiselle Pluche.
Celle-ci défaillit.
— Miséricorde,
Madame, que veut-il dire?
— Que
nous abandonnions nos vêtements espagnols, Pluche !
— Dieu
du ciel ! Rien ne m'aura été épargné ! gémit la pauvre Arthémise, tandis que
Pando-Pando lui tendait une parfaite tenue d'Inca : chemise, pantalon de cotonnade
blanc et cape brune.
Une heure plus
tard, accompagnés de quatre lamas portant de petites charges, Zéphyrine, demoiselle Pluche et Piccolo emboi taient le pas de Pando-Pando.
Vêtue comme les
habitants du pays, la petite troupe n'attirait pas l'attention. On prit d'abord la route de
la côte. Bien vite il n'y eut plus un arbre, pas de source, un soleil brûlant.
C'était le désert
de Sechura. Zéphyrine et ses compagnons souffraient de la soif. Pando-Pando
leur distribuait de l'eau de cuca [121] et citron avec
parcimonie.
— Si
seulement ces sales bêtes nous portaient comme de bons chevaux, aidez-moi
Piccolo ! déclara demoiselle Pluche en essayant de monter sur le dos de son
lama.
Un long jet de
salive à la figure d'Arthémise Pluche fut la réponse de l'animal.
— Lama
porter juste pas trop lourd, pas toi vieille déesse pâle... Lama très gentil,
pas boire, pas manger longtemps, lui beaucoup marcher, mais pas porter toi...
Toi trop grosse pour lama, vieille déesse pâle ! déclara Pando-Pando.
Mortifiée par
I'Inca et le lama, Pluche reprit sa route en maugréant.
La nuit, couchés
les uns contre les autres, on grelotta, mais le lendemain on arrivait au pied
de la Montagne [122] .
Une superbe route
dallée la contournait.
— A
quelle distance sommes-nous, Pando-Pando ? interrogea Zéphyrine.
L'Inca se lança
dans une grande explication.
A l'aide d'une
cordelette qu'il appelait quipou [123] , il se
mit à faire des nœuds.
Zéphyrine admirait
l'ingéniosité des Incas, comprenant que les nœuds exprimaient des chiffres. Les
intervalles vides étaient des zéros. Des nœuds plus compliqués représentaient
des multiples.
— D'après ce qu'il me
dit, je pense que Tumbez est à cent vingt-cinq lieues [124] de Cajamarca,
expliqua Zéphyrine à ses compagnons.
— Jésus
! Marie ! Joseph ! nous n'arriverons jamais ! gémit pluche.
— Mais
Pando-Pando affirme que, par la montagne, c'est plus court ! ajouta Zéphyrine.
Mise aux voix, la
décision l'emporta pour ce dernier chemin.
Les voyageurs
n'eurent d'abord qu'à s'en louer. Une route pavée, large de six pieds,
circulait entre des prairies grasses et des vergers où les fruits abondaient. Puis le raidillon devint plus dur, on grimpait vers
des pâturages, des forêts aux sentiers étroits taillés à flanc de montagne.
Pando-Pando
avançait, insoucieux des précipices. Zéphyrine avait souvent du mal à
convaincre demoiselle Pluche et Piccolo de passer.
Aux étapes, elle
interrogeait Pando-Pando sur la civilisation des Incas. Ils n'avaient pas à
proprement parler de système d'écriture, mais possédaient des idéogrammes
peints sur des tissus, que son guide lui dessinait dans la terre.
Toujours avide
d'apprendre, elle lui demandait aussi des rudiments de quechua, la langue officielle de l'Empire. Au bout de quelques
jours, elle savait une centaine de mots, ayant compris que les sons tenaient le
milieu entre le b et le v, le n et le l, le o et le u, le i et le e.
Parfois, des chasquis [125] doublaient en courant les voyageurs. Ils portaient un chapeau à plume et une
fronde en forme d'étoile sur le front.
Pando-Pando
expliqua à ses compagnons que les Incas coureurs portaient des plis aux quatre
coins de l'Empire. Ils avaient des relais sur route et dans
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