La Rose de Sang
Mama
Occlo retrouvée !
Sur ses sandales en
peau de guanaco, Zéphyrine courut vers l'Indien.
— Tu
sais où est doña Maria ?
— Oui,
Zéphyrine pâle !
— Oh
! parle, ne me fais pas languir !
— Mama Occlo dans Coricancha, temple
du Soleil !
Comment n'y
avait-elle pas pensé plus tôt ? Le seul endroit où elle n'avait pu pénétrer.
— Allons-y,
fit simplement Zéphyrine.
Pando-Pando
l'arrêta.
— Toi,
pas pouvoir comme ça, Zéphyrine pâle... A midi, quand soleil haut dans le ciel,
portes ouvertes, grande cérémonie pour peuple inca... En hommage mort Huascar,
vierges sacrifiées à dieu-soleil !
Zéphyrine humecta
ses lèvres.
— Tu
veux dire, Pando-Pando, que vous allez tuer des jeunes filles?
— Zéphyrine
pâle ! Vierges élevées pour mourir Viracocha, expliqua patiemment Pando-Pando.
Sacrifice très bon pour peuple inca, dieux contents. Toi venir avec
Pando-Pando. Très belle cérémonie pour fête Soleil !
La mentalité inca
échappait totalement à Zéphyrine. Leur degré d'évolution l'éblouissait. La
découverte de sacrifices humains l'horrifiait. Sébastian Garcilaso de la Vega
tenta de la calmer.
— Eh,
dame Zéphyrine ! Nos exécutions en place publique ne sont-elles pas de même
cruelle nature ?
Zéphyrine secoua
ses nattes d'or cuivré.
— Nenni,
messire Sébastian, il s'agit du châtiment de coupables.
— La
mort donnée par un homme à un autre homme est toujours la mort, protesta Garcilaso
de la Vega.
— Mais
là, ce sont de pauvres victimes innocentes.
Zéphyrine savait
que Sébastian était tombé amoureux de la princesse inca Chimpu' [138] .
Il allait souvent la voir au palais de sa famille (flattée de la visite du «
dieu blanc ») et était prêt à excuser toutes les coutumes barbares des
autochtones.
Sans poursuivre la
discussion, Zéphyrine se prépara avec soin pour la cérémonie.
Vêtue comme les
aristocrates incas, coiffée d'un bonnet à bandes bleues, la jeune femme laissa
demoiselle Pluche, incapable de se lever, à la maison, et elle partit sans
prévenir les Espagnols avec Piccolo et Pando-Pando.
Par un soleil
éclatant, la foule avait envahi les rues. Sur le rythme obsédant d'une mélopée
lancinante, des prêtres à sandales d'or se flagellaient avec des fouets de
cuir. Des hommes en costumes perlés portaient sur leurs épaules des idoles en
or massif serties de pierreries. D'autres avaient fixé des ailes de condor
noires et blanches sur leur dos. Certains avaient des couronnes de bois ou des
plumes d'oiseau piquées dans leur chevelure. Là, un groupe d'individus montrait
des torses nus striés de rouge. Ici, ils étaient vêtus d'une peau de puma dont
la tête reposait sur la leur, donnant à Zéphyrine l'impression d'un défilé de
fauves.
Scandant leurs
chants, ils gagnaient tous à pas lents le lieu le plus sacré de l'empire : le
Coricancha ou temple du Soleil au Cuzco.
Mêlée à cette
population bigarrée, Zéphyrine passait inaperçue avec Piccolo et Pando-Pando.
Sur la grand-place,
des prêtres vêtus de longues robes blan ches, coiffés de soleils d'or,
commençaient le sacrifice de lamas noirs. Ils tournaient la tête des animaux
vers le soleil et les égorgeaient, avant de jeter leurs entrailles dans un
brasier avec du maïs et de la coca.
Ecœurée
par l'odeur de viande grillée, Zéphyrine se mit sur la pointe des pieds. Les
sacrificateurs présentaient au sorcier devin les cœurs et poumons arrachés aux
animaux.
Le
devin les examinait et prononçait sa sentence :
— Lamac... Capac Ayalou chanchi... antis
caras !
— Que dit-il ? murmura Zéphyrine.
— Dieu-soleil mauvaise humeur... mauvais présage, grande
tristesse... avenir menaçant, dire sorcier. Vouloir beaucoup autres sacrifices,
traduisit Pando-Pando.
De
fait, il semblait à Zéphyrine que le soleil brillait moins fort.
Poussés
par la foule, Zéphyrine et ses compagnons entrèrent par l'immense porte
principale, ornée de motifs d'or et d'argent, du temple. Les murs, la toiture
intérieure et extérieure étaient lambrissés de plaques de métal précieux.
Jamais Zéphyrine n'avait vu tant de somptuosité ni de richesses.
Sur
l'autel flamboyaient un soleil, trois lamas et un énorme œuf d'or, symbole de
la fécondité. Mais les cérémonies ne se déroulaient pas là.
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