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La Rose de Sang

La Rose de Sang

Titel: La Rose de Sang Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jacqueline Monsigny
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,
d'Olivier de La Marche.
    Ce roman de
chevalerie, dont le héros était son ancêtre Charles le Téméraire, l'apaisait
toujours après une crise.
    Sans un mot, don
Ramon souleva la portière pour faire entrer le père prieur Diego, aumônier de
Charles.
    L'empereur se mit à
genoux. Pendant quelques minutes, il pria et se confessa comme chaque matin à
l'oreille du religieux, puis communia.
    Dès que le
chapelain fut sortit, comme dans un ballet bien réglé don Ramon tapa dans ses
mains. Le valet barbier flamand, Mathias de Bruges, apparut portant une bassine
de vermeil et des vêtements de rechange.
    En voyage,
l'empereur délaissait avec plaisir le lourd cérémonial de la cour de Tolède.
Tandis que le souverain reprenait sa lecture, Mathias déshabilla son maître. Il
passa sur son corps blanc, osseux, mais bien proportionné, et aux jambes
superbes, de l'esprit-de-vin. Il lui massa le front et la nuque, lui présenta
une chemise propre à col gaufré, le rasa, le coiffa et lui passa bas, chausses
bouffantes et pourpoint de velours, avant de lui remettre le collier de la
Toison d'or.
    —       Dieu
te bénisse, mon bon Mathias ! dit Charles en souriant.
    Comme toujours dans
l'intimité, il ne bégayait presque plus. Il offrit au Flamand sa main à baiser.
Après s'être incliné sur les doigts impériaux avec une ferveur non feinte,
Mathias de Bruges s'esquiva.
    —       Quelles
nouvelles ce matin ? interrogea Charles Quint sans cesser de lire.
    Don Ramon trempa
ses lèvres dans la tasse de cacao fumant avant de la remettre à l'empereur.
C'était un rituel destiné à éviter l'empoisonnement toujours redouté.
    —       Le
roi François semble hors de danger, Sire, dit le confident.
    Il faisait entrer un valet porteur d'un guéridon chargé de
victuailles.
    —       Alors,
nous avons tout à... à craindre ! marmonna Charles.
    L 'empereur lapait,
plutôt qu'il ne buvait, le cacao de ses grosses lèvres, tandis
que don Ramon goûtait minutieusement tous les plats.
    Quand le favori se
fut assuré que la pintade, le paon, le chapon au lait, les petits jambons, les
soles aux anchois et huîtres rôties étaient de bonne qualité, il laissa le
valet poser le guéridon devant l'empereur. Celui-ci attaqua de ses doigts, avec
un bel appétit, volailles et poissons. Avec une certaine délicatesse, il les
décortiqua, jetant les os et arêtes, après les avoir sucés, sous son fauteuil
pour son carlin préféré qui s'était faufilé dans la pièce.
    Quand Charles
mangeait, il ne parlait pas. L'assiette tenue en dessous de sa mâchoire, il
avalait avec gloutonnerie.
    Don Ramon vaquait dans
la pièce à quelques rangements.
    Charles s'arrêta,
enfin rassasié. Il but une rasade de cervoise, une autre de son cher vin du
Rhin. Il posa sa tête en arrière sur le dossier de bois et resta un moment
rêveur.
    Don Ramon
connaissait son maître. Il savait que celui-ci ressentait, les lendemains de
crise, une immense fatigue lui interdisant la chasse. Une angoisse presque
insurmontable lui dévastait l'âme.
    Jamais don Ramon
n'en parlait le premier. Sage serviteur, il attendait que Charles éprouvât le
besoin de se délivrer de ses obsessions.
    —       A
... quelle heure est-ce arrivé, Ramon?
    —       Vers
deux heures de la nuit, Sire...
    —       Nous
étions seuls ?
    —       Votre
Majesté recevait l'envoyée de Madame Marguerite.
    Charles prit sa tête entre les mains.
    —       Mes souvenirs sont
confus... Tu as pu la faire sortir et me donner la lactuca [33] à temps ?
    Charles regardait la fiole verte. Don Ramon n 'hésita
pas. Jamais il ne mentait à son maître. C 'était
ce qui faisait sa force.
    —       Non, Sire..., ce
n'est pas moi qui l'ai administrée à Votre Majesté, c'est elle...
    —       Cette
femme qui me hait ! murmura Charles.
    Il fronçait les
sourcils. Sa phrase prouvait une fois de plus à don Ramon qu'il se souvenait
beaucoup mieux de ce qui se passait juste avant ses crises, et même pendant,
qu'il ne voulait l'avouer.
    —       Oui, Sire. J'étais
allé porter les ordres de Votre Majesté à don Barrai... Seule dans la pièce, la
princesse Farnello a eu la présence d'esprit de sauver Votre Majesté en lui
faisant absorber avec sang-froid la quantité nécessaire de lactucarium...
    —       Cette
femme... cette femme! répéta Charles.
    Visiblement
troublé, il reprit le livre qu'il avait laissé sur le guéridon

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