La Rose de Sang
drame que tu
ne m'aimes pas, ma gazelle d'or ! constata-t-il d'un air mi-désolé,
mi-narquois.
— Vous voulez tout ! Mon corps et mon âme ! murmura pensivement
Zéphyrine.
— Et tout de suite, car je suis insatiable..., gronda Cortés.
Elle
passa les poignets autour de son cou.
— Vous me plaisez, Cortés, car nous nous ressemblons beaucoup
tous les deux, vous avez mon corps... Pour le reste, attendez un peu.
Avec
un grondement, Cortés la prit dans ses bras pour la porter sur le lit.
Zéphyrine entendait les rames des galères scander lentement la surface de
l'Océan. C'étaient autant de coups sourds portés à son cœur.
Sous
les baisers du conquistador, elle se laissa aller en arrière, voulant oublier
ses remords et son chagrin.
Le
galion s'enfonçait sur la mer Ténébreuse ...
Chapitre XXII
LA MER TÉNÉBREUSE
«
Ces marins en font des histoires ! Finalement, ce n'est pas bien terrible de
traverser toute cette eau ! » songeait Zéphyrine.
Elle
se promenait en fin d'après-midi sur le pont du « paradis ». Vêtue d'une simple
robe bleue à jupe flamande et guimpe blanche, elle s'abritait des derniers
rayons du soleil derrière une ombrelle en dentelle portugaise.
L'Océan
était lisse, pas une ride sur les flots miroitants. Même demoiselle Pluche
s'était relevée et prenait l'habitude de marcher de long en large avec
Zéphyrine.
Les
marins saluaient la jeune femme et sa duègne.
Grâce
à un joli petit vent doux, il y avait peu de travail dans le gréement. Les
hommes péchaient. Ils ramenaient au bout de leurs hameçons de beaux poissons
irisés aux saveurs inconnues.
Voguer
ainsi était un vrai plaisir.
Zéphyrine
réfléchissait qu'ils étaient partis de Gomera depuis une quinzaine de jours.
Une agréable vie s'était organisée à bord : trois messes par jour (Zéphyrine
s'y habituait), soupers avec joueurs de viole, nuits dans les bras de Cortés.
Zéphyrine
se laissait vivre. Elle n'avait même pas honte de cette paresse luxurieuse.
Doucement balancée par le mouvement du galion, oubliant le passé, ne songeant
pas à l'avenir, prise entre le ciel et l'eau, Zéphyrine avait l'impression que, comme Ulysse, elle
naviguerait toute sa vie.
Néophyte
en matière de navigation, elle ignorait que beaucoup de marins connaissaient ce
charme sournois et l'appel des sirènes.
— Messire Cortés avait raison, Señora, vous nous portez
bonheur... Jamais nous ne fîmes telle traversée, constata Cristóbal qui
effectuait son troisième voyage.
Pendant
un moment, Zéphyrine échangea quelques phrases avec le cartographe, dont elle
appréciait toujours la conversation, puis elle regagna sa chambre avec Pluche.
— Saumon ! Saucisse ! Sardine !
Gros
Léon revenait par le sabord d'aérage resté ouvert. Les plumes de sa crête
embroussaillées, le choucas paraissait très énervé.
Zéphyrine
ferma l'ouverture en papier huilé de la fenêtre. Ainsi, l'oiseau resterait à
l'intérieur. Elle était inquiète de ces allées et venues. Mieux, elle avait
remarqué que Gros Léon chapardait de la nourriture qu'il portait dans son bec
sur la galère.
Laissant
demoiselle Pluche se remettre de sa promenade devant un gobelet de tokay haut
comme un pot, Zéphyrine alla frapper à la porte de la grand-chambre.
— Entre, ma colombe d'or!
Cortés
était seul. Il lui tendit les bras. Chaque jour, le conquistador paraissait
plus épris, et Zéphyrine devait avouer qu'elle était de moins en moins
indifférente à son charme de forban.
— Je voudrais vous poser une question, Cortés..., commença-t-elle.
— Viens ici, ma gazelle d'or.
Cortés
l'attira sur ses genoux.
— Je veux parler sérieusement...
— Eh ! qui dit que ces choses ne le sont point ?
Sous
la jupe, Cortés caressait ses genoux. Zéphyrine se débattit. Elle se redressa.
Tout en regardant par le sabord les voiles des autres vaisseaux de la flota,
elle interrogea l'amiral.
— Je voudrais savoir, Cortés, comment vous avez appris que le
prince Farnello était à Barcinona ?
Pour
ménager le conquistador, elle n'avait pas dit « mon époux ».
Cortés
ne s'y trompa point. S'approchant de Zéphyrine, il posa les mains sur ses
épaules pour la forcer à se retourner et lever la tête vers lui.
— Le Léopard de Lombardie ? Ce grand borgne, tu penses toujours
à lui, constata-t-il en
Weitere Kostenlose Bücher