La Rose de Sang
Zéphyrine profita du répit pour aller à
la recherche du Santiago.
Le vaisseau avait
mouillé à Nombre de Dios, avant de repartir à huit lieues se mettre à l'abri de
Porto Bello [100] .
Accompagnée de
Piccolo et Cristobal, Zéphyrine galopa, grâce à des mulets prêtés par Cortés,
jusqu'à Porto Bello. Elle ne pouvait s'empêcher d'admirer le travail accompli
par les conquistadors. Sur une route déjà tracée, elle croisait des soldats de
l'infanterie, casqués, armures de poitrail brûlantes sous le soleil, qui
faisaient avancer de lourds chariots tirés par des Indiens. C'était l'or qui
revenait de la Costa Rica [101] .
Zéphyrine plaignit les esclaves qui avaient l'air hébété.
Arrivée sans
encombre à Porto Bello, elle monta à bord du Santiago, seulement
gardé par quelques hommes affectés au carénage.
Interrogés
habilement par Zéphyrine qui se prétendit une « cousine », les marins furent
très explicites :
« Une grande dame,
avec un enfant, un nain et un valet aux épaules de taureau, s'appelant doña
Maria de Montalban, une bien « sainte personne généreuse et
pieuse à souhait », avait quitté le bord à Nombre de Dios pour se diriger à dos de mulet, vers la mer du Sud. »
— L'enfant
allait bien ?
— Un
beau petit gars fier et fort... Doña Maria a de quoi être fière de son fils.
Grâce à quelques
réaux, Zéphyrine visita le navire. Dans une chambre du château arrière, l'odeur
odieuse de doña Hermina flottait encore. C'était ce parfum écœurant qui
autrefois donnait de violents maux de tête à Zéphyrine.
Elle s'arrêta,
pâle. Un chausson d'enfant était resté près du lit Zéphyrine le saisit comme
une voleuse. Ayant remercié les marins du Santiago, elle rentra
à Nombre de Dios au triple galop, partagée entre le bonheur de savoir Luigi
vivant et la rage que doña Hermina s'appropriât son fils, l'héritier des
princes Farnello.
— Nous
levons le camp demain, Zéphyrine. Faites vos paquets ! Ne vous chargez pas
trop, la marche est assez dure.
En annonçant le
départ, Cortés ne pouvait réprimer de longs frissons nerveux.
Zéphyrine posa la
main sur son cou entre sa cuirasse et la chemise.
— Mon
ami, vous claquez des dents, vous avez la fièvre.
— Oui, celle de ces
maudits marais 1 ... qui nous entourent... L'autre rive de l'isthme
est plus saine, vivement que nous y arrivions.
En disant ces mots,
Cortés tituba. Zéphyrine dut le soutenir pour l'aider à s'allonger.
— Vous
ne pouvez partir, regardez dans quel état vous êtes.
Le visage de Cortés
était violet.
— Vite,
Cristóbal, de l'eau chaude. Demoiselle Pluche, apportez-moi mon petit coffre.
Relevant ses
manches, Zéphyrine ôta la cuirasse de Cortés; elle ouvrit sa chemise, bassina
ses tempes et sa poitrine d'eau vinaigrée, prit dans son nécessaire de toilette
apporté par Pluche un peu de poudre d'œillet et d'essence de romarin. Elle
ajouta dans la décoction de la chapelure de pain moisi qu'elle fit boire à
Cortés.
Toute la nuit, le
conquistador trembla sur sa paillasse malodo rante
et trempée.
Patiemment, Zéphyrine
le veillait, le faisait boire, essuyait la sueur qui coulait sur son corps. Juste avant le lever du jour, le
conquistador était encore faible, mais il allait mieux, délivré de ses
frissons.
— Tu
n'as pris aucun repos, Zéphyrine, pour me soigner, murmura-t-il en ouvrant les
yeux.
— C'est
normal, mon ami, chacun son tour..., répondit la jeune femme en souriant.
Il referma ses
paupières douloureuses.
— Etrange
Zéphyrine, tu ne m'aimes pas et...
— Vous
vous trompez, Cortés, je vous aime infiniment... Mieux, je vous respecte.
A ces mots, le
conquistador tressaillit. Il dévisagea la jeune femme. Prenant sa main, il la
força à s'asseoir.
— Que
veux-tu dire, ma biche d'or?
— Je
vais être franche, Cortés, je ne voyais en vous que...
— Qu'une
brute sanguinaire ! acheva-t-il amèrement.
— Mettons un soldat
de fortune... Mais j'ai découvert un grand capitaine, un homme fier. Je
respecte votre courage, Cortés. Il faut être fou à lier pour traverser cette
mer Ténébreuse comme vous le faites et se lancer dans cette Conquista. .. Oui, fou ou génial !
Zéphyrine disait
vrai. Si elle n'était pas d'accord avec les méthodes des conquistadors et de
Cortés en
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