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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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donc Saint-Germain ne plaisantait pas ! À moins qu’il ne s’agisse
d’une supercherie.
    — Tu es réveillé ?
    Il leva les yeux :
Marie-Adélaïde avait monté l’escalier qui menait à l’étage. Elle portait un
panier sur lequel un torchon avait été soigneusement posé pour en dissimuler le
contenu.
    — J’ai pu avoir un peu à
manger, expliqua-t-elle. Cela devient de plus en plus difficile, d’autant qu’en
ma qualité de prisonnière je n’ai plus droit aux tickets de rationnement. Mais
on se débrouille, je l’ai toujours fait et quelques pratiques m’ont gardé leur
gratitude jusque dans ces jours sombres. Comment va ta tête ?
    Le document froissé rejoignit
très vite le couteau au fond de sa poche. Sénart n’avait pas envie de lui
parler de cela. Il lui aurait été impossible de dire pourquoi, peut-être un
pressentiment. La volonté d’échapper aux prédictions de la jeune femme. Tout
était écrit et cela ne lui plaisait pas du tout.
    — Elle va bien. J’ai moi aussi
une course à faire.
    Elle posa son panier et se
rapprocha de lui, aguicheuse.
    — Une course, mon beau
révolutionnaire s’en va aux commissions ! Désire-t-il que je
l’accompagne ?
    Un instant, il fut tenté, mais
ne céda pas.
    — Non, il faut que j’y aille
sans toi.
    — C’est dangereux ?
    Cette fois-ci, elle semblait un
peu surprise.
    — Non, mais important. Je te
raconterai ce soir.
    Le sourire de la jeune femme
disparut. Elle se doutait de quelque chose, c’était certain. Il secoua la
tête : son amour pour elle ne devait pas interférer dans sa mission.
    — Tu ne m’embrasses pas ?
    Il allait partir sans même un
geste d’affection. C’était grossier de sa part. Confus, il obtempéra.
    — À tout à l’heure.
    — À tout à l’heure, ne rentre
pas trop tard et fais attention. Tu es toujours recherché. Rabats bien ton
chapeau sur tes yeux !
    En descendant l’escalier, il
sentit le regard de la Sibylle qui le suivait.
    Un instant plus tard, il se
trouvait dans la rue. Le faubourg Saint-Honoré était à l’autre bout de Paris.
Il avait le temps de réfléchir. Il y avait Marie-Adélaïde. Elle était
fascinante, désirable, toujours étonnante et d’une sensualité qui le désarmait.
Mais était-ce vraiment de l’amour ? Jamais auparavant il ne s’était posé
ce genre de questions. Lorsqu’il s’était marié, avant la Révolution, il avait
aimé sa femme, cela il en était certain. Mais le sentiment qu’il avait éprouvé
alors n’avait rien à voir avec celui qu’il ressentait aujourd’hui. Avant, il
savait qu’en rentrant chez lui sa femme serait là, d’humeur égale, prête à tout
pour le satisfaire. Que ce soit pour la table ou pour la couche, son épouse
avait montré la même bonne volonté, la même régularité dans les intentions. Au
point que cela en était devenu monotone. Rien de cela avec la Sibylle, toujours
prompte à surprendre, à bouleverser, voire à irriter. Mais, de toute évidence,
il n’avait pas envie de la quitter. C’est avec de grandes difficultés qu’il
retrouverait sa vie d’homme seul, le cas échéant. Et il n’en avait absolument
pas envie.
    Tout en prenant bien garde de
maintenir son chapeau rabattu sur ses yeux, il avançait à travers les rues de
Paris, se rapprochant de la Seine qu’il devrait traverser. Quant à savoir ce
qu’il allait faire rue des Cornes, il le savait. Il était hors de question de
tuer cet homme ; par contre, il pourrait s’assurer de sa collaboration. Ce
serait sans doute compliqué, mais il se targuait de convaincre son hypothétique
victime que travailler au service de la Révolution valait mieux que finir
assassiné.
    La rue des Cornes était une de
ces nombreuses ruelles dans le quartier populaire et calme de la Salpêtrière.
On y trouvait surtout de paisibles pensions, des meublés bon marché où la population
pauvre, chassée des quartiers plus centraux de la capitale, venait se réfugier.
L’endroit idéal pour se dissimuler. Qu’avait pu faire sa « victime »
pour figurer ainsi sur la liste de sang de la loge des frères de l’ombre ?
Il essaya d’imaginer plusieurs hypothèses mais n’y parvint pas. Cette promenade
solitaire lui faisait du bien. Il se sentait un peu soulagé, loin de Marie-Adélaïde,
loin du Comité de sûreté générale, loin des manigances de dom Gerle et de la
mère de Dieu. Car il en était certain, il trouverait un arrangement avec sa
victime. Il

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