Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
Vom Netzwerk:
préviendrait l’homme de la menace de mort dont il était l’objet et
il lui en serait reconnaissant. Peut-être la situation serait-elle un peu
délicate à lui expliquer s’il ignorait tout de l’existence de la loge  –
après tout, on pouvait être désigné victime et ne rien connaître de ces choses,
il suffisait sans doute de s’être volontairement ou involontairement opposé aux
volontés de dom Gerle  – mais, dans ce cas, il comptait bien arguer de sa
position de secrétaire rédacteur auprès du Comité pour le convaincre. Au moins
aurait-il fait œuvre utile depuis le début de sa mission : il aurait sauvé
une vie !
    Les rues devenaient plus
étroites, plus désertes aussi. Ici, comme partout dans la capitale, on crevait
de faim, mais contrairement à ce qui se passait dans les zones plus centrales
et plus agitées, on se résignait. Les femmes regardaient passer ce jeune homme
aux habits froissés, avec le regard vide de ceux qui n’attendent plus rien. La
Révolution n’avait guère changé leur sort.
    Voire, depuis l’an dernier,
elle l’avait même fait empirer. Au moins, du temps de la tyrannie monarchiste,
le blé parvenait-il jusqu’à la capitale. Et s’il y avait disette c’était à
cause d’un hiver rigoureux ou d’un été trop pluvieux… pas à cause d’une guerre
civile ou d’une invasion étrangère. Avant, les négociants ne se constituaient
pas des fortunes en réinvestissant les biens du clergé achetés pour une bouchée
de pain dans des stocks d’approvisionnement sur lesquels ils spéculaient
jusqu’à l’absurde, provoquant famine et ruine dans le petit peuple. Avant, on
respectait la valeur du louis, pas comme celle de cet assignat qui ne valait
même pas le prix du papier sur lequel il était imprimé.
    Troublé par ces pensées
moroses, Sénart se trouva brusquement à l’entrée de la rue des Cornes. C’était
une petite maison qui avait dû autrefois accueillir des hôtes. Aujourd’hui,
décrépite, elle présentait tous les signes de l’abandon. Les fenêtres en étaient
bouchées par des planches, la porte semblait barricadée. Seul un œil exercé
pouvait remarquer que les clous étaient récents, pas encore rouillés, et que le
bois qui protégeait les entrées était du chêne solide.
    Il hésita un instant.
Manifestement, l’occupant des lieux voulait rester le plus discret possible et
ne souhaitait pas être dérangé. Peut-être même avait-il voulu protéger sa vie
en s’enfermant dans cette masure comme dans une forteresse. Entrer sans y être
invité pouvait l’alarmer. Sénart décida donc de frapper à la porte. Néanmoins,
comme il existait une chance raisonnable que l’homme ait eu affaire aux loges,
il toqua sur le rythme entendu lorsqu’il était descendu dans les profondeurs de
Paris pour y rencontrer les francs-maçons. Deux coups brefs un coup long.
L’appel résonna sur le bois jusque dans les profondeurs de la maison. Inquiet,
il jeta un coup d’œil par-dessus son épaule. Personne en vue, mais on
l’examinait certainement de derrière ces fenêtres. Chacun de ces rideaux
pouvait dissimuler un espion.
    — Partez !
Laissez-moi !
    La voix avait vibré de
l’intérieur. Rauque, inquiète.
    — Monsieur, je suis venu vous
prévenir d’un grave danger. Ouvrez-moi, je vous en prie.
    — Partez, je vous dis. On va
vous voir, vous allez les attirer.
    — Raison de plus pour me
laisser entrer. Je vous en prie, monsieur, j’ai de graves nouvelles à vous
annoncer.
    Après un instant de silence, il
entendit du bruit, un meuble qu’on poussait. Il soupira de soulagement.
    L’huis s’entrebâilla. Un regard
de faucon le scruta puis la porte s’ouvrit un peu plus.
    — Ne restez pas là, entrez.
    Sénart obéit. Ils étaient dans
un vestibule. Voilà sans doute bien des années que la maison n’avait pas été
occupée. Les murs, recouverts de plâtre brut, suintaient une humidité malsaine.
Pas de meuble, les lattes du plancher, défoncées, laissaient entrevoir un sol
de terre battue. Quant à son hôte, les yeux clignotants, le profil en lame de
couteau, voûté, une perruque informe d’un autre âge, des vêtements élimés et
sales, les mains d’une maigreur stupéfiante, toujours en mouvement, il
ressemblait à un de ces insectes grouillants qui fuyaient la lumière du jour
lorsqu’on soulevait une pierre.
    Il tenait maladroitement une
arme, un pistolet qui, d’après ce que Gabriel-Jérôme put en juger,

Weitere Kostenlose Bücher