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La Sibylle De La Révolution

La Sibylle De La Révolution

Titel: La Sibylle De La Révolution Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nicolas Bouchard
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elle-même ? Non, un garde, un vigile, un patriote aurait
repéré à coup sûr cet étrange équipage. À moins qu’il ne soit passé par les
toits ; après tout, ce monstre quel qu’il fût était capable de tout.
    « Je délire ! »
se morigéna-t-il.
    Ils longèrent ainsi longtemps
les quais puis, quand ils furent parvenus rue Guénégaud, Sénart quitta son
compagnon d’infortune et obliqua pour s’enfoncer dans le Quartier latin et rejoindre
la rue de Tournon. Marie-Adélaïde devait l’y attendre, morte d’inquiétude.
     
    Lorsque, enfin, après une bonne
heure de marche, il parvint au cabinet de la voyante, il la trouva dans la
chambre minuscule, couchée sur le lit en train de dormir. Il s’assit sur le
bord, éreinté par sa nuit, et la contempla. Elle ressemblait à une petite fille
lorsqu’elle avait les yeux fermés. Elle souriait.
    « À quoi peut-elle bien
songer ? »
    Et si c’était de lui qu’elle
rêvait.
    « Je ne peux pas tomber
amoureux de cette fille. C’est une contre-révolutionnaire, et puis c’est un
témoin capital dans cette affaire. D’ailleurs, sa position n’est peut-être pas
aussi limpide qu’il y paraît. Et puis à cause d’elle, je suis recherché et
proscrit ! Je devrais la ramener à la Petite Force qu’on en finisse. »
    Pourtant, il n’en avait aucune
envie. Alors qu’il allait lui caresser doucement le visage, elle ouvrit les
yeux. Tout de suite son regard se mit à pétiller et son sourire s’agrandit.
    — Tu as une tête de
déterré, mon chéri !
    — Je suis content de voir que
tu t’es inquiétée pour moi, grommela-t-il. Vraiment, il ne fallait pas.
    Elle éclata de rire :
    — Ne sois pas vexé, voyons. Je
savais que tu allais revenir. Pourquoi me serais-je souciée le moins du
monde !
    — Tu savais donc que la moitié
de cette maudite maison de la Contrescarpe me tomberait sur la tête. Je me suis
réveillé de l’autre côté du Quartier latin : ils ont dû éventer ma
ruse !
    Elle le prit dans ses bras avec
douceur.
    — Si cela avait été le cas, tu
serais déjà mort.
    — Aïe !
    Elle lui avait passé la main
dans les cheveux, à l’arrière du crâne.
    — Oh ! il y a une grosse
bosse là. Il faut que je regarde cela !
    — Laisse, grommela-t-il, je
dois réfléchir à cette affaire.
    — Et puis tu es tout
sale ! C’est invraisemblable. Où t’ont-ils donc traîné ?
    Elle ajouta avec un clin
d’œil :
    — Si je ne savais par les
cartes ta parfaite fidélité, je pourrais supposer que tu as passé la nuit dans
un endroit bien licencieux.
    — C’était le cas, si tu veux le
savoir, répondit-il, alors qu’elle se levait pour prendre de l’eau et un linge
propre.
    La silhouette nue de la jeune
fille dans la chambre lui fit immédiatement oublier sa mauvaise humeur mais
attisa sa mélancolie. Comment avait-il pu tomber amoureux de la sorte ? La
réponse était là, devant lui. Marie-Adélaïde possédait une grâce naturelle.
Non, ce n’était pas vraiment de la grâce. C’était une sorte d’audace, de
liberté dans les mouvements. Même nue, elle ne semblait gênée en rien, mais il
n’y avait rien de vulgaire ni de grossièrement aguicheur dans son comportement.
Simplement, elle était aussi à l’aise en tenue d’Eve qu’en robe de ville.
    Sénart s’efforça de
continuer :
    — Saint-Germain n’y vient que
pour y faire des rencontres. On y voit des dizaines de donzelles en manque
d’idoles à adorer et prêtes à se livrer au premier venu pourvu qu’il prenne
l’air d’un faux prophète. Ce serait donc là le premier cercle. C’est en essayant
de découvrir le second que j’ai hérité de cette bosse. Aïe, tu me fais
mal !
    — Ne bouge pas, chéri. Ah, ils
sont bien douillets les héros de la Révolution ! Tu as donc vu Gerle dans
ses deux versants.
    — Comment cela ?
    Elle continua tout en nettoyant
la plaie :
    — Tu sais qu’il était prieur
chez les chartreux. Il s’est retrouvé propulsé aux états généraux en 1789. Cela
lui a tourné la tête, tu imagines. Il s’est pris pour le sauveur de la France
et a introduit une autre prophétesse nommée Suzette Labrousse devant
l’assemblée. Elle fut encouragée par Robespierre lui-même !
    — Robespierre encore !
S’intéresse-t-il vraiment à toutes ces momeries ?
    — Il lui aurait déclaré un
jour : « Je serai obligé de remettre en place ce que je cherche à
détruire aujourd’hui. Vous m’aiderez. » Tu ne

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