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La Trahison Des Ombres

La Trahison Des Ombres

Titel: La Trahison Des Ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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n’écoutait qu’à
demi. Chanson détestait attendre presque autant que le magistrat détestait l’entendre
chanter. En réalité, le palefrenier ne s’appelait pas Chanson. Il était entré
au service de Corbett sous le nom de Baldock. Ranulf, pour rire, l’avait
rebaptisé « Chanson », histoire de se gausser de sa voix épouvantable.
Depuis, le garçon avait insisté pour que Chanson devienne son nom et il
refusait de répondre si on l’appelait autrement. Bon palefrenier, sachant
parler aux chevaux, Chanson excellait aussi au lancer de couteau, talent dont
il usait pour gagner des prix dans les foires locales.
    — Pouvons-nous
revenir à la taverne, Messire ? Mes orteils et mes couilles sont congelés !
    Corbett rassembla les
rênes et sauta en selle. Il regarda Tressilyian, la main sur l’épaule de Sir Maurice,
s’éloigner dans le sentier pour aller chercher leurs montures.
    — Ranulf,
ordonna-t-il, emmène Chanson se réchauffer dans un estaminet.
    — Puis fouiner un
peu partout, Messire ?
    Le magistrat s’encapuchonna
et plissa les paupières.
    — Oui, je veux que
vous furetiez. Découvrez tout ce que vous pouvez.
    Il leva la tête et
observa Blidscote, le bailli corpulent, les deux prêtres et Burghesh qui
quittaient l’église.
    — A quoi
pensez-vous, Messire ?
    — Je ne sais pas,
Ranulf. Le pot commence à bouillir. C’est peut-être un endroit charmant par un
jour d’été mais à présent...
    Un bruit derrière lui le
fit se retourner. Une vieille femme s’avançait sur le sentier en s’appuyant lourdement
sur un bâton. Elle s’approcha, dos voûté, tête baissée. Corbett crut qu’elle
allait passer son chemin, mais elle s’arrêta et leva les yeux en repoussant ses
mèches grises et sales de son visage parcheminé. Elle mâchonnait ses gencives
et essuya un filet de salive à la commissure de ses lèvres. Elle observa
Corbett de ses yeux chassieux, comme s’il lui suffisait d’un seul regard pour
savoir qui il était et pourquoi il était là.
    — Bonsoir, grand-mère.
    Ranulf fit quelques pas dans sa direction. Il
ouvrit son escarcelle et en sortit une pièce que la bonne femme s’empressa de
saisir.
    — Êtes-vous le clerc du roi ?
    Sa voix était forte mais les mucosités qui encombraient
sa gorge la rendaient rauque. Elle pivota, cracha et clopina pour attraper la
bride du cheval de Corbett.
    — Vous êtes sans doute le clerc du roi ?
    — Et vous, la mère, qui êtes-vous ?
    — On m’appelle grand-mère Crauford. Quel
âge me donnez-vous ?
    — Guère plus de vingt-quatre ans, plaisanta
Ranulf.
    Preste comme un oiseau, elle tourna la tête d’un
coup.
    — Voilà un beau gaillard ! Je vous ai
tous vus aller et venir.
    Elle tendit un doigt osseux.
    — Alors, quel âge me donnez-vous ?
    — Soixante-dix ans ? proposa Corbett
en hâte.
    — J’ai passé mes quatre-vingt-cinq ans cet
été.
    Corbett la fixa, médusé.
    — Vous portez bien votre âge, grand-mère.
    — Allez donc lire les registres de baptême !
    Elle désigna l’église.
    — Je suis née à l’automne 1218. Je me
souviens de la visite du père du roi. Il était petit et gros, avec des cheveux
blonds comme les blés.
    Corbett, incrédule, observait cette vieille
femme qui avait vu le père du roi quand il était jeune.
    — Vous êtes donc venu pourchasser les
fantômes, hein ? reprit-elle. Melford est rempli de fantômes. Ça a
toujours été un lieu maudit.
    — Vous pensez donc beaucoup de bien de
cette ville ? railla Ranulf.
    — Je ne pense de bien de personne, rouquin !
Le prêcheur a raison : les hommes se vautrent dans le mal.
    — Vous voulez parler des crimes ?
demanda Corbett.
    — Dites plutôt des meurtres.
    Elle lâcha les rênes du cheval.
    — Il y en a toujours eu à Melford. C’est un
endroit où coule le sang. Pas surprenant ! On dit qu’il y avait une ville
ici avant l’installation des prêtres ; ils n’ont pas changé grand-chose !
Bon, je vous souhaite bien du plaisir !
    Elle s’éloigna en boitillant. Corbett la suivit
du regard. Il avait rencontré la même chose dans moult villes ou villages, des
vieillards réprouvant avec force hochements de tête les actes des jeunes, des
forts.
    Tressilyian et Sir Maurice arrivèrent à cheval.
    — Je vois que vous avez fait la
connaissance de grand-mère Crauford, dit le jeune homme en souriant. Les gens
du coin la nomment Jérémie. Le prêtre a fait un sermon expliquant que

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