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La Trahison Des Ombres

La Trahison Des Ombres

Titel: La Trahison Des Ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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repartirent,
Chapeleys les précédant de quelques pas. Corbett se demanda s’il allait
entraîner le juge dans une conversation sur le procès mais décida que ce n’était
ni le moment ni l’endroit. L’homme, d’ailleurs, tête basse, menton enfoncé dans
sa chape et capuchon relevé, semblait morose. Le magistrat comprit que
Tressilyian devait être inquiet, lui aussi, fort troublé d’avoir condamné un
innocent et d’avoir présidé à son exécution. Le silence se fit oppressant.
Corbett pouvait concevoir pourquoi Ranulf, homme des ruelles et des rues de
Londres, se sentait mal à l’aise dans la campagne, surtout entre chien et loup,
en ce moment silencieux, comme si les créatures de la nuit attendaient que tombent
les ténèbres. Le chemin qu’ils suivaient n’était guère plus qu’une large piste
coupée d’ornières bordées, de chaque côté, de fossés et de hautes haies épineuses.
De temps à autre une barrière ou un échalier en rompait l’alignement.
    Corbett tira sur les rênes, obligeant ses
compagnons à s’arrêter.
    — Je suis un étranger, leur rappela-t-il.
Je tente de me repérer. C’est bien Falmer Lane ?
    — Oui.
    — Et Melford s’étend au sud ?
demanda-t-il en désignant cette direction. L’église à un bout. Les rues et les
venelles, la place du marché au centre, puis ça descend en douceur vers la
campagne ?
    — Vous n’êtes pas si égaré que ça ! s’exclama
Tressilyian. Mais c’est exact ; c’est une bonne description de la ville.
    — Pistes et passages pour en sortir ne
manquent donc pas ?
    — Oui, je vous l’ai déjà dit. Melford est
devenu prospère et a poussé en tous sens comme la laine sur le dos d’un mouton !
    — Le moulin de Molkyn se trouve bien du
côté de l’église ?
    — C’est cela. Il y a le moulin et la ferme
de Thorkle, tout près. En fait, c’est presque un petit hameau. Avec l’étang et
le bief.
    — Et la maison de Maîtresse Walmer ?
    — À environ un mile du moulin.
    — Par conséquent sentiers et sentes
pullulent ?
    — Oh, Seigneur, oui ! répondit le juge
en riant. Si vous lisez le compte rendu du procès, vous verrez qu’un témoin a
décrit Melford comme une garenne. Avec pistes et passages. Vous avez vu les
barrières et les échaliers. Les sentiers s’entrecroisent dans les prairies.
Dieu sait qu’en tant que juge, soupira-t-il, je dois toujours trancher de ce
qui est légal ou non. Vous comprenez, Corbett, la région a changé. La richesse
d’un homme est estimée en moutons et non en blé. On coupe donc les bois, on
plante des haies et on installe barrières et clôtures.
    — Si je suis bien votre pensée, remarqua
Sir Maurice, c’est un endroit parfait pour un assassinat, n’est-ce pas, Sir
Hugh ?
    — N’importe quel lieu est idéal pour
assassiner, répondit le magistrat. Ranulf déteste la campagne. Il affirme qu’elle
est plus périlleuse que les venelles de Londres. Pour une fois, je suis de son
avis. La nuit tombée, un homme qui connaît les parages pourrait se glisser dans
les sentiers et les ravines et faire ce qu’il voudrait. Il serait aussi bien
protégé que dans les quartiers miséreux autour de Whitefriars ou dans le labyrinthe
des ruelles de Southwark.
    — J’ai visité ces deux endroits, commenta
Tressilyian. Je préfère Melford.
    Ils continuèrent leur route. De chaque côté, les
champs firent place à des bois. Corbett avait l’impression de s’enfoncer dans
un passage creux et sombre. Le chemin remonta, descendit, puis monta derechef.
Le clerc identifia Devil’s Oak avant que Tressilyian ne le lui désigne : c’était
un grand arbre trapu utilisé jadis comme borne. L’énorme chêne, bien qu’il ait
été foudroyé, dardait encore vers le ciel ses branches à présent dépouillées.
Corbett mit pied à terre. Au-delà des champs, sur sa gauche, s’étendait, jusqu’à
la rive de la Swaile, une noue. Il aperçut des ruines écroulées près de la
berge.
    — Qu’est-ce ?
    — Beauchamp, expliqua Chapeleys. C’était
jadis un petit manoir avec porcheries, pigeonniers et écuries, mais l’homme qui
l’a bâti était un fol. La terre est gorgée d’eau et risque d’être inondée après
de fortes pluies. Voilà environ trente ans maintenant que c’est dans cet état.
Le dernier des Beauchamp était un vieillard au cerveau fêlé qu’on a retrouvé
noyé dans l’une des caves. Les bourgeois prétendent toujours que c’est

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