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La Trahison Des Ombres

La Trahison Des Ombres

Titel: La Trahison Des Ombres Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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réflexion, plus ils lui diraient ce qu’ils voulaient qu’il entende plutôt
que la vérité.
    Corbett talonna sa monture, passa devant l’église
et, suivant la direction qu’il avait prise plus tôt, descendit un chemin
fangeux. Il pénétra dans la propriété du meunier et s’arrêta devant le bief
scintillant au clair de lune. Il imaginait le plateau ou la planche chargée de
la tête coupée de Molkyn, flottant et dansant sur la surface moirée. Il mit
pied à terre et mena son cheval autour de la retenue d’eau. Au-dessus de lui s’élançait
le grand moulin dont les bras entoilés se déployaient dans la nuit. Il
distingua une lumière et monta vers la maison. Un chien sortit des ténèbres en
grondant. Le magistrat s’immobilisa et tendit la main.
    — Là, là ! chuchota-t-il. Du calme !
    Le chien aboya encore. Une porte s’ouvrit et Corbett
aperçut une silhouette sombre qui brandissait une lanterne.
    — Qui est là ? dit une voix
autoritaire.
    — Sir Hugh Corbett, clerc du roi. Me feriez-vous la grâce
de retenir votre chien ?
    Un sifflement bas déchira la nuit. Le chien
battit sournoisement en retraite et Corbett s’avança. L’homme qui portait la
lanterne était jeune ; il avait un visage large, les cheveux roux et
semblait combatif et agressif. Sa cotte-hardie qui lui arrivait aux genoux, et
ses chausses, dessous, étaient blanches de farine.
    — Que voulez-vous ?
    — Un accueil urbain ! rétorqua Corbett
d’un ton sec. J’ai un mandat royal !
    — Ralph ! Ralph ! cria une femme
sur le seuil. Occupe-toi de la monture de notre visiteur.
    La voix était grave et chaleureuse.
    — Vous devriez entrer, Sir Hugh Corbett,
clerc du roi, la nuit est froide !
    Le jeune homme emmena le cheval. Corbett déboucla
son ceinturon, dégrafa sa chape et suivit la meunière dans la chaude cuisine
dallée, une longue pièce odorante. Les volets, au bout, étaient clos, le feu
flambait avec ardeur dans l’âtre et l’air fleurait le pain qui cuisait dans les
fours de chaque côté du foyer. La femme qui avait accueilli le magistrat était
blonde et mince, avec un visage agréable et souriant. Derrière elle, deux
autres femmes étaient assises à la table. L’une était sans nul doute la fille
de Molkyn. Chevelure claire et air plaisant. L’autre avait des traits plus
grossiers : un nez aplati, de grosses joues flasques, un regard méfiant et
hostile. Ses cheveux gris se cachaient sous un voile bleu foncé un peu de
travers. Les manches de sa robe grise étaient relevées et elle tenait un
émondoir aiguisé. Elle aidait à couper des légumes. Elle les laissa tomber dans
la marmite posée sur la table sans quitter Corbett du regard.
    — Je suis Ursula, se présenta l’hôtesse.
    — La veuve du meunier ?
    D’un regard amusé, elle observa le magistrat
avec attention.
    — Oui, je suis la veuve du meunier et vous,
vous êtes beaucoup plus beau qu’on ne le prétend !
    Corbett se sentit rougir. La femme eut un rire
de gorge. Elle avait sans doute perçu la surprise du clerc devant la robe verte
qu’elle portait.
    — Les vêtements noirs siéent au deuil,
Messire. Molkyn est mort et enterré, un point c’est tout. Voici ma belle-fille,
Margaret, et celle qui vous dévisage sans vergogne est une autre veuve, Lucy, l’épouse
de Thorkle.
    Corbett était mal à l’aise. Ces trois femmes
avaient perdu un homme : deux d’entre elles leur mari et la plus jeune son
père, mais il ne pendait point de tentures funéraires au mur. Aucun tissu
pourpre ne couvrait le crucifix, les coffres ni les armoires. La cuisine,
impeccable, récurée et lavée à fond, ressemblait à celle d’une demeure royale.
    — Je ne veux pas vous déranger.
    — Vous ne nous dérangez point.
    Les yeux bleus d’Ursula ne cillaient pas.
    — Nous avons tous entendu parler de votre
venue. Par le passé nous avons déjà reçu ici des envoyés du roi qui ont volé
notre blé, mais jamais un clerc royal. C’est un grand honneur ! Nous
serons le sujet des ragots de la paroisse. Venez, à présent !
    Ursula le prit par le coude pour le conduire vers
une chaire au bout de la table. Sans lui laisser le temps de refuser, elle lui
servit du pain frais, des pots de beurre et de miel et un gobelet d’étain
rempli de bière puisée à la barrique au fond de la pièce.
    Son fils Ralph revint. Corbett estima qu’il
devait avoir une vingtaine d’années ; il semblait avoir pris en main le
moulin.

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