La Traque des Bannis
plus petites, disposaient pour cela d’un étrier dans lequel il suffisait de poser le pied pour maintenir l’armature en place ; ensuite, à l’aide d’un outil crocheté à la corde, l’arbalétrier ramenait celle-ci vers lui en tirant de toutes ses forces, des deux mains ; la portée de cette arme était réduite, mais le temps de chargement aussi – de vingt à trente secondes. Tout à coup, Will comprit que les Génovésiens pourraient d’abord décocher depuis leur cachette éventuelle, puis qu’ils seraient contraints de se redresser pour effectuer ces opérations, s’exposant ainsi aux traits des Rôdeurs.
— Ils seront obligés de se montrer après leur première attaque.
— Ne prends pas de risques inutiles, car ils ont peut-être plus d’une arme chacun, conseilla Halt. Nous tirerons néanmoins plus vite qu’eux.
Les arbalétriers avaient besoin d’une vingtaine de secondes pour recharger leur arme avant de pouvoir viser de nouveau ; en revanche, le jeune Rôdeur pouvait encocher sa flèche, bander son arc, viser et décocher en près de cinq secondes. Halt était plus rapide encore. Lorsque l’ennemi s’apprêterait à décocher son deuxième carreau, Will et Halt pourraient déjà avoir tiré une douzaine de flèches dans la direction de l’adversaire. Et si les Génovésiens manquaient leurs premiers tirs, les Rôdeurs auraient l’avantage.
Pour la énième fois, Halt fouilla les environs du regard. À l’ouest, il vit l’éclat du soleil entre les troncs. Les ombres grandissaient et, dans la forêt, la visibilité s’amenuisait. Il était temps de bouger – sinon Will et lui se retrouveraient piégés par l’obscurité.
— N’oublie pas : dans cinq minutes, pars en rampant dans ce fossé.
Le jeune homme lui adressa un sourire ironique. C’était plutôt une légère dénivellation qu’un fossé, pensa-t-il. Mais Halt ne s’aperçut point de sa réaction, trop occupé à surveiller la piste. Il déplia légèrement les genoux, prêt à partir.
— Allez, je vais inviter ces assassins à danser, déclara-t-il avant de se glisser en silence vers le sentier, telle une ombre verte et grise qui se fondit rapidement à celles de la forêt.
Tandis qu’il se déplaçait entre les arbres, les yeux de Halt n’étaient plus que deux fentes scrutant sans relâche la piste étroite, à peine visible, et les alentours. Avec un sourire ironique, il avisait les quelques indices, semblables aux précédents, que les Génovésiens avaient laissés derrière eux. Le Rôdeur continuait de faire semblant d’être en quête de ces marques et de suivre exactement leurs empreintes – mieux valait que l’ennemi ne se doute de rien.
Le sol était tapissé de branches et de brindilles que le vent avait arrachées aux arbres morts ; le Rôdeur avait beau savoir se mouvoir en silence, il ne pouvait éviter de les piétiner et, parfois, elles craquaient sous ses pieds. Il ne pouvait cependant se permettre de se déplacer plus lentement, en tâtant le terrain à chaque pas : cela aurait été trop risqué. En avançant vite, il devenait une ombre grise et indistincte se glissant entre les troncs nus, une cible mouvante difficile à atteindre. De plus, il voulait que les Génovésiens soient conscients de sa présence.
Il s’abrita un instant derrière un tronc plus large que les autres. Au fil des années, longtemps après que la forêt avait été submergée par les eaux, des broussailles étaient apparues et, contre l’arbre, un petit buisson épineux avait poussé, dont les feuilles vertes, associées au gris du tronc, s’accordaient aux teintes de sa cape pour le dissimuler.Il s’accroupit tout en surveillant les parages, bougeant à peine la tête. Seul son regard vigilant balayait les alentours, variant son champ de vision pour regarder de très près ou au lointain, tandis que son visage se dissimulait dans l’ombre de son capuchon. Les Génovésiens, à supposer qu’ils l’observent, avaient dû le voir plonger derrière le tronc ; mais, à présent, ils l’avaient certainement perdu de vue et, tant que Halt resterait immobile, il leur serait difficile de dire s’il était encore là.
Par conséquent, c’était lui que les Génovésiens chercheraient, et non Will. À l’idée que son ancien apprenti le secondait, il éprouva un vif sentiment de satisfaction. Will avait dû se mettre en route, pensa Halt. Il ne pouvait imaginer meilleure compagnie. Gilan, peut-être, qui
Weitere Kostenlose Bücher