La Traque des Bannis
qui-vive.
Rien.
Ni claquement indiquant qu’une arbalète se serait déclenchée. Ni sifflement effrayant de carreau qui serait venu se ficher dans le tronc, au-dessus de lui. Rien. À l’exception des gémissements sinistres des arbres morts. Le Rôdeur comprit alors qu’un déplacement soudain de sa part n’allait pas inciter les Génovésiens à tirer. Ils étaient trop disciplinés pour se laisser ainsi duper.
Ou bien Halt avait peut-être imaginé le mouvement entrevu entre les arbres. En fin de compte, l’ennemi était sans doute plus loin.
Il percevait toutefois leur présence. Un sixième sens lui indiquait qu’ils se trouvaient à quelques mètres de lui, à l’affût, attendant qu’il agisse de nouveau. Il resta blotti contre le tronc. Pour l’instant, il était à l’abri, mais dès qu’il se redresserait, il deviendrait visible. Il aurait pu ramper jusqu’à un tronc plus large ; il n’en apercevait aucun alentour. Voilà pourquoi, songea-t-il derechef, l’ennemi avait choisi cet endroit, idéal pour une embuscade.
En outre, il lui était impossible de relever la tête pour étudier sa position : autant inviter l’ennemi à le viser entre les deux yeux. Il était non seulement coincé ici, mais aussi privé de visibilité. Les Génovésiens, qui savaient à présent où il se dissimulait, avaient désormais l’avantage.
Halt avait beau se creuser la cervelle, il ne voyait pas d’issue à la situation. S’il restait ici, tôt ou tard, l’un des assassins le prendrait à revers tandis que l’autre continuerait de garder en ligne de mirel’arbre derrière lequel il s’était réfugié. Non sans ironie, il se rappela ce que lui avait dit Will une heure plus tôt : « Ils seront obligés de se montrer après leur première attaque . »
Il y avait cependant un détail dont son ancien apprenti et lui n’avaient pas tenu compte : après le premier tir, Halt serait peut-être mort.
Il ferma les yeux et se concentra. Il lui restait une chance de s’en sortir, mais tout dépendait de la position de Will. Il sentit soudain une certitude s’imposer à lui : le jeune Rôdeur serait là car Halt avait besoin de lui. Will serait là parce qu’il ne pouvait se trouver ailleurs – et que jamais il n’avait laissé tomber son mentor.
Il rouvrit les yeux, sortit une flèche de son carquois et l’encocha. Puis, toujours accroupi, il réfléchit à ce qu’il allait faire. Son instinct lui dictait de se redresser le plus lentement possible afin de retarder le moment où le Génovésien décocherait son carreau. Il chassa aussitôt cette idée. Des gestes trop lents donneraient à l’ennemi davantage de temps pour viser.
En revanche, s’il se montrait brusquement, le Génovésien en serait sans doute surpris, ce qui l’obligerait à tirer avec précipitation. C’était une éventualité peu vraisemblable, Halt en était conscient, mais qui méritait considération. En tout cas, c’était la meilleure alternative.
— J’espère que tu es dans le coin, Will, marmonna le vieux Rôdeur.
Sur ce, il bondit sur ses pieds, l’arc levé et bandé, la flèche prête à partir, cherchant désespérément un signe de mouvement parmi les arbres.
La forêt semblait sans vie, mais, comme Halt l’avait ensuite compris, la végétation était revenue au fil des années. Alors que Will se glissait hors de l’abri qu’offrait le tronc à terre, il aperçut une longue vrille couverte d’épines qui s’était enroulée autour d’un arbre immense, étouffant plusieurs de ses branches avant de rester suspendue au-dessus du sol. Le jeune Rôdeur l’effleura au passage ; aussitôt, plusieurs épines crochues s’agrippèrent à sa cape. Il marmonna un juron, s’empara de son vêtement et se mit à tirer, d’abord doucement, puis de plus en plus fort, afin de le dégager.
Il crut avoir réussi, mais la plante grimpante, très souple, s’était simplement étirée. Il se rendit compte, non sans colère, que les épines s’étaient enfoncées davantage dans l’étoffe rêche. Pis encore, il était debout, incapable de se baisser, et les épines étaient hors de portée.
Il lui fallait enlever son carquois, qu’il portait en bandoulière, puis ôter son vêtement et trancher la vrille. Il n’avait pas d’autre choix. Pareille situation risquait d’attirer l’attention des Génovésiens, peut-être tapis non loin. Il grommela un autre juron. Avec un soin infini, il passa la sangle de son
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