La Traque des Bannis
s’y cacher, ce qui aurait peut-être réduit à néant ses efforts précédents, car un mouvement brusque suffirait à attirer l’attention de l’ennemi. Il se concentra alors sur la technique qu’il avait développée lors de son apprentissage, qui consistait à se convaincre que son corps cherchait à s’enfoncer dans le sol et à prendre conscience de son poids qui se pressait contre l’herbe drue, la terre et les brindilles.
Il se sentait pourtant vulnérable, car, chose rare, il n’était pas armé. Afin de ne pas entraver ses mouvements, il avait dû ôter la corde de son arc avant de le passer dans deux petites boucles cousues dans le dos de sa cape ; il aurait été trop risqué de ramper avec un arc à la main, lequel aurait pu se coincer dans un morceau de bois mort ou une motte d’herbe. Pour la même raison, il avait passé son fourreau à l’arrière de sa ceinture pour que ses couteaux ne le gênent pas. Cependant, si les Génovésiens le repéraient, Will perdrait quelques précieuses secondes à les sortir de leur fourreau. Le fait d’être ainsi privé de ses armes lui paraissait presque absurde, en particulier si l’ennemi était dans les parages. Il regrettait surtout d’avoir dû ôter la corde de son arc. Un vieux dicton de Rôdeur disait : « Un arc sans corde n’est pas plus utile qu’un bâton. » Lorsqu’il l’avait entendu la première fois, cinq ans plus tôt, il l’avait trouvé amusant. Ce n’était plus le cas.
Lorsqu’il finit par atteindre le tronc couché à terre, Will s’autorisa un bref soupir de soulagement. Aucun cri d’alerte n’avait fusé, aucuncarreau d’arbalète n’était venu se ficher dans son dos. Il se détendit quelque peu et s’aperçut que, depuis son départ de sa cachette précédente, tous ses muscles s’étaient raidis, comme s’ils prévoyaient qu’une douleur soudaine pouvait parcourir son corps d’un moment à l’autre.
Il se redressa, sans pourtant se mettre debout, et progressa plus rapidement. Dès qu’il se fut éloigné de la piste, il se releva avec prudence, se glissa derrière le premier arbre qu’il trouva et passa de nouveau la corde à son arc. Son anxiété s’atténua. Maintenant, il n’était plus en danger. Seuls les Génovésiens l’étaient.
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De son côté, Halt, un genou à terre, faisait mine d’examiner un autre indice semé par l’ennemi. Il avait la tête baissée, mais ses yeux scrutaient le fouillis des arbres qui se mêlaient aux ombres.
Sur sa gauche, il entrevit un bref mouvement et, peut-être, une tache mauve. Il resta immobile. Sa position accroupie faisait de lui une cible difficile. Il était probable que l’arbalétrier, s’il s’agissait bien de l’un d’eux, attendrait qu’il se redresse pour tirer.
Il jeta un coup d’œil à gauche. Dans cette partie de la forêt, les troncs étaient moins larges – certains n’avaient dû être que des arbrisseaux avant d’être submergés – et aucun ne pouvait lui procurer un abri suffisant. Le vieux Rôdeur eut un sourire lugubre. C’était pour cette raison que ses adversaires avaient choisi de laisser un indice à cet endroit : ils savaient que leur poursuivant se baisserait pour l’étudier. Puis qu’il se relèverait.
Halt comprit qu’il était désormais une cible vulnérable. Il chercha de nouveau des yeux la source du mouvement, en vain. Cela paraissait logique. L’arbalétrier avait dû profiter d’un instant d’inattention du Rôdeur pour lever son arme – ce qui correspondait au petit mouvement qui n’avait pas échappé à Halt. À présent, l’ennemi demeurait immobile, son arme pointée sur l’endroit où le Rôdeur serait censé se retrouver une fois debout.
Halt se prépara à bouger.
Il lança un autre regard vers la gauche, avisa un arbre plus large que ses voisins, quoique pas assez pour le cacher complètement. Ce tronc ferait cependant l’affaire, pensa-t-il. Il espérait que Will était maintenant en position, même s’il n’avait détecté aucun signe de la part du jeune homme pour l’instant.
Avait-il été retardé par un incident imprévu ? se demanda-t-il avant de se ressaisir : il s’agissait de Will, et son ancien maître était certain qu’il était bel et bien dans les parages.
Sans prévenir, et en prenant appui sur son genou droit, il se propulsa brusquement sur la gauche et roula sans mal jusqu’à l’arbre qu’il avait repéré. Puis il attendit, sur le
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