La Traque des Bannis
au bout de quelques secondes lorsqu’il vit le vieux Rôdeur, le visage crispé, qui roulait sur le côté, la main droite refermée sur son avant-bras gauche pour ralentir l’écoulement du sang.
— Ça peut aller, dit-il, les dents serrées. Ce satané carreau m’a seulement égratigné, mais ça fait un mal de chien.
Will s’agenouilla près de lui.
— Je vais jeter un coup d’œil.
Il repoussa la main de Halt, d’abord avec hésitation, craignant de libérer une giclée de sang qui indiquerait qu’une artère avait été touchée ; constatant que le flot était régulier, le jeune Rôdeur laissa échapper un soupir de soulagement. Il dégaina son grand couteau et découpa la manche de son compagnon. Après avoir examiné la blessure un instant, il tira de sa ceinture un morceau d’étoffe propre et s’en servit pour éponger le sang afin de constater l’étendue des dégâts.
— Il t’a touché de peu. Un centimètre de plus sur la gauche, et il aurait manqué son tir.
L’entaille, peu profonde, faisait environ quatre centimètres de longueur. Aucun muscle ni tendon n’avait été atteint. Le jeune Rôdeur prit la gourde de Halt et versa une bonne quantité d’eau sur la plaietout en la nettoyant avec le bout de tissu, même si elle continuait de saigner. Pour finir, il appliqua un baume, sortit un bandage propre de sa ceinture et l’enroula autour du bras de son ami.
— Tu as abîmé ma chemise, déclara Halt d’un ton accusateur, les yeux posés sur la manche coupée.
Will lui adressa un grand sourire. La voix grincheuse et plaintive de son mentor le rassura d’emblée : il se remettrait promptement.
— Tu pourras la recoudre ce soir, répliqua le jeune homme.
— Je suis blessé, grommela Halt, indigné. Tu t’en chargeras pour moi.
Il ajouta, cette fois d’un ton plus grave :
— Si j’ai bien compris, le second Génovésien s’est enfui. J’ai entendu un bruit de sabots.
Will le prit par le bras droit pour l’aider à se mettre debout, geste que Halt jugea inutile. Il était à peine blessé, après tout. Mais il savait que si Will le dorlotait ainsi, c’était en réaction à l’inquiétude qu’il avait dû ressentir : aussi le vieux Rôdeur n’opposa-t-il pas de résistance. De même, il laissa Will ramasser son arc.
— Oui, répondit le jeune Rôdeur. Ils avaient attaché leurs montures tout près d’ici. J’ai décoché quelques traits dans sa direction, mais je l’ai raté. Désolé, Halt, ajouta-t-il, consterné à l’idée d’avoir trahi la confiance de son ancien maître.
Celui-ci lui tapota gentiment l’épaule.
— Ne t’en fais pas. Dans cette forêt, il est quasiment impossible de décocher avec précision. Trop de branches font obstacle.
— Nous avons commis une erreur, ajouta Will.
Halt leva un sourcil, l’air interrogateur.
— Nous avons tiré sur le même Génovésien, précisa son ancien apprenti. Ce qui a laissé à l’autre le temps de réagir.
Le vieux Rôdeur haussa les épaules.
— Comment aurions-nous pu le savoir à l’avance ? Je te l’ai répété des dizaines de fois : durant un combat, il y a toujours une part d’imprévu.
— Oui, je sais. Mais…
Will s’interrompit, incapable de formuler sa pensée. Il avait l’impression qu’il aurait pu mieux faire, ce qui aurait empêché Halt de souffrir – il avait couru un danger mortel, songea le jeune homme.
— Ne t’inquiète donc pas. Vois plutôt le résultat de nos efforts : l’un de nos adversaires est mort et je n’ai récolté qu’une égratignure. Si l’on considère qu’ils avaient de nombreux atouts de leur côté, je trouve que nous nous sommes bien débrouillés, pas vrai ?
Will resta silencieux. Il imaginait Halt, gisant sur le sol, un carreau fiché dans la poitrine, les yeux ouverts et sans vie, fixés sur les branches sombres. Le vieux Rôdeur lui secoua doucement l’épaule.
— Tu es d’accord, n’est-ce pas ? insista-t-il.
Will afficha alors un sourire las.
— Je crois, oui, reconnut-il enfin.
Halt hocha la tête. Il était satisfait, même s’il regrettait de ne pas avoir capturé ou tué le second Génovésien. Sans conteste, cela leur aurait facilité la mission à venir.
— Allons rejoindre Horace, proposa Halt. Le connaissant, il doit se faire un sang d’encre.
****
Horace était en effet sur des charbons ardents. Il avait dressé un petit campement, mais il était trop tendu pour se reposer vraiment. En attendant
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