La Traque des Bannis
passer inaperçu, car il chercherait avant tout à avaler les kilomètres et non à faire montre de discrétion.
— Je regrette de ne pouvoir t’accompagner, dit Horace, dont l’inquiétude était palpable.
Will lui donna une bonne tape sur l’épaule et lui sourit de nouveau.
— Tu ne ferais que me ralentir. Tu avancerais comme un maladroit en parcourant bruyamment la campagne…
Sans le vouloir, il avait employé les mêmes mots que Halt, quelques jours plus tôt. Aussitôt, leurs visages s’assombrirent ; ils contemplèrent le vieux Rôdeur, étendu sous l’auvent. Un silence retomba, que Will finit par rompre :
— Quoi qu’il en soit, je suis heureux que tu restes auprès de lui. Cela me facilite la tâche.
Horace acquiesça à plusieurs reprises, incapable de répondre. Will alla s’agenouiller près de Halt et lui prit la main.
— Je serai vite de retour, Halt, je te le promets. D’ici trois jours. Jusque-là, tâche de tenir bon et de m’attendre, c’est d’accord ?
Le vieux Rôdeur s’agita un instant, marmonna dans son sommeil, puis se tut. Il était possible que la voix de son ancien apprenti ait réussi à pénétrer l’épais brouillard qui enveloppait son esprit. Du moins, Will l’espérait. Il secoua tristement la tête ; d’ordinaire si fort, si compétent et si infatigable, Halt n’était plus que l’ombre de lui-même, et cela brisait le cœur du jeune homme. Il porta la main au front de son ancien maître. Il était encore chaud, mais la fièvre semblait être un peu tombée. Will se redressa et, après avoir jeté un dernier coup d’œil au malade, il se tourna vers Horace.
— Surveille cette fièvre. Si elle monte de nouveau, sers-toi de ces linges trempés dans de l’eau froide. Et pense à nettoyer sa blessure toutes les quatre heures environ, en y ajoutant du baume une fois sur deux.
Il se doutait que traiter la plaie n’aurait désormais plus aucune efficacité, car le mal s’était répandu dans tout le corps de Halt. Cependant, Horace aurait l’impression de se rendre utile, et Will savait à quel point cela était essentiel.
Il saisit la main de son ami, puis tous deux s’étreignirent un bref instant.
— Je m’occuperai bien de lui, Will, rassure-toi.
— J’en suis sûr, répondit le jeune Rôdeur, le visage appuyé contre l’épaule solide du guerrier. Et monte la garde durant la nuit. On ne sait jamais, le dernier Génovésien pourrait décider de revenir.
Il s’écarta. Horace sourit, mais sans humour.
— J’espère presque qu’il le fera, déclara-t-il.
Ils s’approchèrent tous deux des chevaux. Abelard, agité, roulait des yeux et piaffait. Will lui prit le nez entre les mains, comme il avait vu Halt le faire, et souffla doucement dans ses naseaux pour retenir son attention.
— Je sais que tu es inquiet, murmura-t-il au cheval. Mais tu dois venir avec moi. D’accord ? Nous allons chercher de l’aide.
L’animal secoua la crinière, puis s’apaisa quelque peu, prêt à partir.
Horace n’en revenait pas.
— À croire qu’il a compris ce que tu lui as dit, fit-il observer.
Will tapota le nez d’Abelard et lui sourit avec affection.
— Il a vraiment compris, répliqua-t-il avant de monter lestement sur Folâtre.
Il attrapa les rênes de Caracole que lui tendait son ami. Quant à Abelard, il le suivrait sans qu’il soit besoin de le mener.
— Fais attention, Will.
— Et toi, sois prudent. Je serai là dans trois jours.
Il frôla du talon le flanc de Folâtre et le petit cheval se mit en route. Caracole lui emboîta aussitôt le pas ; après avoir passé autant de temps en compagnie des montures des Rôdeurs, celui-ci paraissait très à l’aise avec eux. Abelard lança un dernier regard à son maître, allongé sous l’auvent, remua la tête en guise d’adieu et partit au trot derrière ses congénères.
Horace resta longtemps à les observer qui s’éloignaient, accélérant peu à peu l’allure. Ils finirent par disparaître derrière une crête et il les perdit de vue.
****
Bien entendu, Will était tenté de presser Folâtre à s’élancer au galop ; il savait toutefois que, sur de longues distances, mieux valait conserver une allure moyenne. Aussi empêchait-il sa monture d’avancer trop vite, l’obligeant à respecter le petit trot que les chevaux de Rôdeurs étaient capables de soutenir des heures durant ; quant à Caracole, qui n’était pas aussi chargé qu’à l’ordinaire et dont les
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