La Traque des Bannis
il n’avait jamais eu l’occasion de monter le cheval de Halt jusqu’à ce jour ; mais étant donné qu’ils se connaissaient depuis des années, Will se doutait qu’Abelard ne tenterait pas de se débarrasser de lui. Cependant, il était entraîné à réagir ainsi si un autre que son maître le montait.
Au bout d’un moment, constatant que l’animal restait paisible, Will tira légèrement sur la bride de Caracole pour attirer son attention, puis fit signe à Abelard de se mettre en route, au trot habituel.
Ils s’éloignèrent bientôt de la plaine fertile qui bordait la rivière et les arbres commencèrent à se clairsemer. La piste, à peine tracée, était parfois difficile à distinguer, mais ne présentait pas d’obstacles, et les chevaux avaient le pied sûr. Ils avaient déjà parcouru une grande distance lorsque le soleil se mit à baisser vers l’horizon, illuminant les nuages d’un éclat pourpre et orangé. De temps à autre, quand ils arrivaient au sommet d’une colline, Will apercevait brièvement la forêt noyée, grise et sinistre, qui se déployait au loin. Bientôt, elle disparut.
Lorsque l’obscurité tomba, le jeune Rôdeur décida de faire une pause. Les chevaux s’abreuvèrent dans le petit seau de cuir qu’il avait apporté ; de son côté, il but quelques gorgées de tisane, certes froide, mais revigorante. La lune se lèverait d’ici une heure et il décida d’attendre jusque-là. Il voyageait en terrain inconnu et ne voulait pas risquer une chute. Il chevaucherait de nouveau Folâtre – il était temps, pensa-t-il. Car même si Folâtre et Abelard trottaient sur un rythme presque similaire, l’allure du second était un peu plus raideet abrupte. Avec le temps, Will savait qu’il s’y accoutumerait, mais de nuit, mieux valait se fier à son propre cheval.
Au bout d’un moment, la lune s’éleva au-dessus de l’horizon, énorme, silencieuse et vigilante, puis parut diminuer à mesure qu’elle grimpait dans le ciel nocturne. Will plaça un bras autour de l’encolure d’Abelard, lequel frotta son nez contre son visage.
— Merci, lui dit-il. Tu m’as bien porté.
Un frémissement parcourut le corps du cheval, qui lui donna plusieurs petits coups de tête. Caracole, qui broutait non loin, leva les yeux lorsque le jeune homme vint dénouer sa bride, enroulée autour d’un arbre, puis le conduisit jusqu’à Folâtre, qu’il enfourcha avec plaisir – car même la selle de Halt lui avait paru différente.
— Allons-y, lança-t-il aux chevaux.
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Il était éreinté. Le moindre petit muscle lui faisait mal. Il avait de nouveau chevauché Abelard, puis encore une fois Folâtre ; cependant, même la selle à laquelle il était pourtant habitué lui infligeait une torture de chaque instant. Selon lui, il était minuit passé ; il voyageait ainsi depuis douze bonnes heures, sans compter les brèves pauses qu’il s’était accordées. Il lui fallait rester constamment attentif à sa trajectoire en se guidant grâce aux étoiles, en surveillant le sol devant lui, à l’affût de tout obstacle potentiel. Or ceci lui demandait de fournir des efforts de concentration qui s’ajoutaient à son épuisement physique.
La lune avait disparu depuis un bon moment, mais il continua d’avancer à la lueur des étoiles. Alors qu’il gravissait une pente menant à un plateau, il s’aperçut que les arbres se clairsemaient ; très vite, il n’y eut plus autour de lui que des monticules couverts de hautes herbes agitées par le vent. Bientôt, décida-t-il, il ferait une halte. C’était le choix le plus judicieux. S’il chevauchait trop longtemps, son attention faiblirait et la fatigue le conduirait à commettre une erreur – s’engager dans la mauvaise direction ou sur un sentier accidenté. Il craignait sans cesse qu’un des chevaux, par sa faute, trébuche et se blesse.
À un moment, ils effrayèrent un animal en bordure de la piste à peine visible. Un grondement surpris retentit, puis la bête s’enfuit d’un bond et disparut dans les hautes herbes avant que Will ait pu la distinguer. Les chevaux s’agitèrent. Caracole poussa un hennissement inquiet et tira sur sa bride, manquant faire basculer hors de sa selle le jeune Rôdeur. Ce dernier ne savait pas de quel animal il pouvait s’agir – un loup, peut-être, ou un gros chat sauvage. Il avait entendu dire que, dans ces régions, on rencontrait parfois des lynx aussi grands que de petits ours.
À
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