La Traque des Bannis
foulées étaient plus longues que celles de ses congénères, il n’avait aucun mal à suivre au même rythme. Le destrier paraissait même content de pouvoir trotter sans avoir à supporter le poids d’un cavalier et de son armure.
Quand Will atteignit la rivière, il tourna vers l’est et longea la berge afin de chercher un autre endroit où traverser le cours d’eau. Un gué à bétail était indiqué sur la carte – trop profond pour des piétons, ce qui avait dissuadé Tennyson et ses disciples de l’emprunter. En revanche, Will et ses chevaux le franchiraient sans difficulté. Cela lui permettrait également d’éviter la forêt noyée, située plus à l’ouest, car le jeune Rôdeur n’avait aucune envie de pénétrer de nouveau dans cette étendue grise et morte.
Trois heures plus tard, il arriva au gué. Il fit entrer sa monture dans la rivière. Abelard le suivit promptement ; Caracole eut d’abord un moment d’hésitation en constatant que l’eau arrivait aux épaules de Folâtre, presque à hauteur de son garrot ; puis il parut s’apercevoir qu’il était beaucoup plus grand que Folâtre et il se précipita alors dans l’eau en bondissant, éclaboussant tout sur son passage et menaçant de heurter Folâtre et de faire basculer Will.
— Du calme, Caracole ! ordonna le jeune homme.
Encore une fois, il eut l’impression que la situation n’était pas pour déplaire au destrier – chose qui devait rarement survenir dans la vie d’un cheval de bataille. Néanmoins, celui-ci, amadoué, traversa le reste de la rivière plus paisiblement. Bientôt, les trois bêtes se hissèrent sur l’autre rive, les flancs dégoulinants.
Will descendit de selle. Il laissa les chevaux se désaltérer – pas trop, cependant, car il ne voulait pas qu’ils s’alourdissent. Abelard et Folâtre lui obéirent aussitôt quand il leur lança l’ordre de s’arrêter ; mais le jeune Rôdeur dut entraîner le destrier à l’écart de la rivière. L’animal secoua sa crinière et jeta un regard mauvais à Will.
Ce dernier le dévisagea posément.
— Caracole, ça suffit ! dit-il avec fermeté, sans crier.
Sa voix était assez autoritaire pour faire comprendre au grand cheval qui était aux commandes. Caracole jeta un regard plein de regret vers le cours d’eau, puis accepta de se laisser mener plus loin. Will lui frotta gentiment le nez.
— C’est bien, murmura-t-il. Si tu continues ainsi, nous réussirons peut-être à faire de toi un cheval de Rôdeur.
À quelques pas de là, Folâtre poussa un hennissement moqueur. Décidément, tu es parfois très amusant , sembla-t-il lancer à son maître.
Cela faisait plusieurs heures qu’il montait Folâtre et, maintenant qu’ils avaient franchi la rivière, Will décida de changer de monture. Il mit pied à terre et desserra les sangles de la selle de son cheval. Celui-ci sembla légèrement vexé.
Je suis capable de continuer encore longtemps, tu sais, parut-il dire.
— Je sais, dit le jeune homme avec gentillesse, mais j’aurai besoin de toi plus tard, quand nous serons tous épuisés.
Folâtre agita sa crinière ; même si Abelard était un ami, cela ne lui plaisait pas tellement de devoir lui céder la place.
Will resserra les sangles d’Abelard, en sachant que celui-ci ne lui jouerait pas de tour, contrairement à certaines montures qui inspiraient profondément durant un instant afin que les sangles restent assez lâches au moment de l’expiration. Il s’apprêtait à grimper sur son dos quand il s’aperçut qu’Abelard avait tourné la tête vers lui.
— Désolé, murmura Will, j’avais oublié.
Il fixa le petit cheval et prononça les mots que Halt lui avait appris des années plus tôt, devant la chaumière du vieux Bob ; il se rappelait encore les explications de son mentor : « Quand un cavalier le monte pour la première fois, un cheval de Rôdeur s’attend à ce qu’on lui demande la permission. On les dresse ainsi afin qu’ils ne soient pas volés. »
— Permettez-moi 1 ?
Il espérait qu’il se ferait comprendre, car le gallique n’était pas son fort et son accent laissait à désirer.
Abelard secoua la tête à plusieurs reprises d’un air encourageant ; le jeune homme, sans hésiter, plaça le pied dans l’étrier et enfourcha l’animal. Il patienta un bref instant, se demandant s’il ne s’était pas trompé de formule et si Abelard n’allait pas le désarçonner dans la seconde qui suivrait. Fait curieux,
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