La Traque des Bannis
attention sur sa propre respiration, toujours paisible, malgré la tentation qu’il avait de retenir son souffle.
Il se prépara à agir, s’assurant qu’il garderait l’esprit clair, concentré sur la tâche à venir, et répéta ses gestes par la pensée. Main droite sur le grand couteau. Le dégainer dès qu’il se redresserait en prenant appui sur sa main gauche. Plier les genoux et bondir aussitôt sur la droite au cas où la silhouette chercherait à le frapper. Un décalage qui ferait sans doute gagner quelques secondes, vitales, au jeune Rôdeur.
Il tendit les muscles. En silence, ses doigts se refermèrent sur le manche de son couteau.
Et soudain, il fut debout. En un mouvement fluide, il s’écarta sur la droite afin d’éviter la lame d’une hache ou d’une épée. D’un geste habile, il tira prestement son couteau de son fourreau et s’accroupit, en position de combat, l’arme placée devant lui, la pointe légèrement levée, prêt à attaquer ou à se défendre.
Folâtre et Abelard, alarmés, s’ébrouèrent. Un instant plus tard, Caracole se cabra en tirant sur sa bride.
Will ne vit rien. Nul guerrier géant vêtu d’une ancienne cuirasse. Nul ennemi prêt à charger.
Seulement la nuit étoilée et le doux murmure du vent entre les hautes herbes. Il se détendit lentement, se releva et baissa son arme.
Il se souvint tout à coup pourquoi il avait cru reconnaître la silhouette : elle ressemblait au Guerrier de la Nuit, l’illusion terrifianteà laquelle Malcolm avait donné vie dans le bois de Grimsdell. À cette pensée, Will sentit sa tension se relâcher complètement ; il se laissa tomber dans l’herbe, épuisé, et planta la pointe de son couteau dans le sol.
Avait-il rêvé ? Son imagination, nourrie par la présence des tumulus, avait-elle créé cette situation de toutes pièces ? Les sourcils froncés, il réfléchit. Avant de bondir sur ses pieds, il avait été parfaitement réveillé, il en était certain. Vraiment ? Était-il possible qu’il ait encore été entre sommeil et veille, un état trompeur qui s’emparait souvent d’un corps et d’un esprit fatigués ? Un vieux souvenir avait alors pu refaire surface.
Il secoua la tête. Il ignorait ce qui avait pu se produire et ne savait plus à quel moment il s’était réveillé pour de bon. Il alla trouver les chevaux, qui paraissaient bel et bien inquiets ; quoi d’étonnant, après ce bond qu’il avait fait en agitant son couteau dans tous les sens, comme s’il avait soudain perdu la raison ? Folâtre et Abelard étaient aux aguets, les oreilles dressées. Le premier ne cessait de piaffer. De son côté, Caracole était de nouveau paisible ; il n’était néanmoins pas entraîné à rester à l’affût, à la différence des chevaux de Rôdeurs.
Un frémissement sourd, que Will avait maintes fois entendu, parcourut le corps de Folâtre. La plupart du temps, c’était un signe de danger. Ou d’incertitude. Will lui caressa le nez.
— Que se passe-t-il, mon grand ? murmura-t-il. Tu as senti quelque chose ?
Il lui était difficile de dire si l’animal avait réagi aux seuls mouvements de son maître ou à une présence insolite. Mais, peu à peu, Folâtre parut s’apaiser et cessa de lancer des regards affolés de tous côtés ; aussi Will décida-t-il que l’inquiétude de l’animal, de même que celle d’Abelard, était à mettre sur le compte de son brusque réveil. Le Rôdeur se rappela qu’ils ne lui avaient lancé aucun avertissement alors qu’il était allongé dans l’herbe, feignant de dormir. Will, rasséréné, finit par accepter l’idée que son imagination lui avait joué un tour et que son épuisement n’y était pas pour rien. Le fait que la silhouette ait pu ressembler au Guerrier de la Nuit l’en persuada ; il se sentit même un peu bête d’avoir réagi ainsi.
Il rengaina son couteau, remit sa cape après avoir vérifié qu’elle n’était pas trop humide, passa son carquois en bandoulière et ramassa son arc.
— Que ce soit mon imagination ou pas, mieux vaut ne pas rester ici une seconde de plus, grommela-t-il.
Will enfourcha Abelard et partit rapidement, les deux autres chevaux à sa suite. Alors qu’il s’éloignait, il sentit ses cheveux se hérisser, mais il préféra ne pas regarder en arrière.
Dans l’obscurité, la présence invisible et muette qui hantait la colline se glissa derechef dans son lieu de repos, satisfaite d’avoir réussi à chasser un
Weitere Kostenlose Bücher