La Vallée des chevaux
prochain, il serait aussi grand que Whinney.
Après un dernier coup d’œil au lionceau mourant, Ayla se releva
en hochant la tête et s’approcha de Whinney. Au moment où elle repartait, elle
nota que les hyènes recommençaient à la suivre. Elle allait saisir une pierre
quand elle s’aperçut que la petite troupe avait changé d’avis. Les hyènes
venaient de découvrir le lionceau et s’apprêtaient à lui faire un sort. Ce qui
était logique. Sauf aux yeux d’Ayla, incapable de conserver son calme dès que
les hyènes étaient en cause.
— Fichez-moi le camp, saletés ! Et laissez ce bébé
tranquille !
Courant pour s’approcher du lionceau, Ayla lança une grêle de
pierres. En entendant un hurlement, elle comprit que son tir avait porté et vit
que les hyènes se repliaient devant elle.
Elles n’oseront pas s’approcher, se dit-elle en se plaçant
devant le lionceau, les jambes écartées pour le protéger. Qu’est-ce que je suis
en train de faire ? se demanda-t-elle aussitôt. A quoi sert de les tenir à
distance d’un lionceau qui, de toute façon, va mourir ? J’ai tout intérêt
à ce que les hyènes s’occupent de lui, elles cesseront alors de me suivre.
Je ne peux pas emmener ce lionceau. Il est trop lourd pour que
je puisse le porter. J’ai déjà suffisamment à faire avec le renne sans m’occuper
en plus de lui. C’est vraiment ridicule de songer à une chose pareille.
Est-ce vraiment si ridicule que ça ? Que me serait-il
arrivé si Iza ne m’avait pas recueillie ? Creb m’a dit que c’était
l’esprit d’Ursus ou celui du Lion des Cavernes qui m’avait placée à l’endroit
où elle devait passer car, elle mise à part, personne d’autre dans le Clan ne
se serait arrêté. Iza ne pouvait supporter de voir un malade ou un blessé sans
lui venir aussitôt en aide. C’est pour ça qu’elle était une aussi bonne guérisseuse.
Moi aussi, je suis guérisseuse et je tiens mon savoir d’Iza.
Peut-être que ce lionceau a été placé là pour que je m’occupe de lui. Le jour
où j’ai ramené pour la première fois un lapin blessé, Iza m’a dit que cela
signifiait que j’étais faite pour être guérisseuse. Ce lionceau est blessé et
je ne peux pas laisser les hyènes le dévorer.
Mais comment faire pour le transporter ? S’il a les côtes
cassées, il faut d’abord que je le bande, sinon il risque de mourir. Je n’ai
qu’à utiliser cette large lanière que j’ai emportée avec moi et poser le
lionceau sur le dos de Whinney.
Ayla siffla Whinney et fut toute surprise de voir que, pour une
fois, le fardeau de la jument n’était arrêté par aucun obstacle. Préoccupée par
le sort du lionceau, elle ne remarqua pas à quel point Whinney était nerveuse.
La jument avait déjà du mal à accepter ce chargement qui l’empêchait d’avancer
normalement et sa nervosité s’était encore accrue depuis qu’elle avait pénétré
avec Ayla sur le territoire des lions.
Lorsque la jeune femme, qui venait de bander le lionceau, voulut
le poser sur le dos de la jument, Whinney fit un bond de côté. Complètement
affolée, elle se cabra, remua la tête de bas en haut dans l’espoir de se
débarrasser de son harnais et de son chargement, puis elle se mit à caracoler à
travers les steppes. Le renne, toujours enveloppé dans la natte, rebondissait
et tressautait derrière la jument jusqu’au moment où il resta coincé contre un
rocher. Contrainte de s’arrêter, Whinney s’affola de plus belle et recommença à
se cabrer.
Brusquement, les lanières auxquelles le renne était attaché se
rompirent et, sous la secousse, les deux paniers, déséquilibrés par les épieux,
basculèrent. Libérée de ses entraves, la jument partit au triple galop et le
contenu des paniers se déversa sur le sol. Les deux épieux, toujours attachés
aux paniers, traînaient maintenant derrière elle, pointes en bas, et ne
semblaient nullement la ralentir.
Ayla, qui avait observé toute la scène, vit aussitôt le parti
qu’elle pouvait en tirer. Elle avait enfin trouvé le moyen de transporter
jusqu’à la caverne à la fois le renne et le lionceau blessé. Elle appela
Whinney et la siffla. Répondant à ce signal, qui était pour elle synonyme
d’affection et de sécurité, la jument fit un grand cercle pour revenir vers la
jeune femme.
Quand, épuisée et couverte d’écume, la jument s’approcha, Ayla
ne put s’empêcher de la serrer dans ses bras tellement elle
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