La Vallée des chevaux
l’accès qui
longeait le torrent n’était pas encore gelé, mais Thonolan n’était pas en état
de l’emprunter. Les deux frères avaient donc été hissés en haut de la terrasse
à l’intérieur d’un de ces paniers.
Quand Jondalar, arrivé presque en haut de la falaise, avait
contemplé pour la première fois le fleuve dans toute son étendue et les
montagnes aux sommets arrondis qui se trouvaient de l’autre côté, il était
devenu très pâle et les battements de son cœur s’étaient accélérés. Émerveillé
par ce spectacle et plein de respect pour l’extraordinaire pouvoir de création
de la Mère, il L’avait remerciée d’avoir donné naissance à un fleuve aussi
majestueux.
Depuis, il avait appris qu’il existait un autre accès pour
rejoindre la terrasse, plus long, plus aisé et bien moins impressionnant. Il
s’agissait d’un des tronçons de la piste tracée d’ouest en est à travers la
montagne qui, après avoir emprunté les cols et franchi la porte la plus à
l’est, finissait par rejoindre la vaste plaine où coulait le fleuve. Le tronçon
oriental de cette piste traversait la région montagneuse qui conduisait à
l’entrée des gorges et il était donc beaucoup plus accidenté, mais, à certains
endroits, il redescendait vers le fleuve. C’est vers un de ces endroits que le
bateau se dirigeait.
L’embarcation quittait le milieu du lit pour s’approcher de la
rive où, debout sur une plage de sable gris, des gens saluaient leur arrivée en
faisant de grands gestes de la main, quand, soudain, Jondalar entendit un cri
de stupéfaction.
— Regarde ! s’écria Thonolan en lui montrant l’énorme
iceberg qui fonçait sur eux.
L’iceberg filait au milieu du lit, là où le fleuve était le plus
profond. Les facettes de ses bords translucides réfléchissaient la lumière, le
nimbant d’une lueur immatérielle tandis qu’un sombre abîme bleu-vert
emprisonnait son cœur qui n’avait pas fondu. Avec une habileté consommée, les
rameurs accélérèrent leur mouvement et changèrent de direction. Puis, ramenant
leurs avirons à plat, ils s’immobilisèrent pour regarder la masse de glace
glisser à côté du bateau et s’éloigner avec une redoutable indifférence.
— Il ne faut jamais tourner le dos au fleuve, rappela
l’homme qui se trouvait en face de Jondalar.
— A mon avis, c’est la Rivière Sœur qui l’a amené, Markeno,
précisa son voisin.
— Comment... un morceau de glace aussi gros... vient
jusqu’ici, Carlono ? demanda Jondalar.
— Cet iceberg peut venir d’un glacier en mouvement dans
l’une de ces montagnes, expliqua Carlono en montrant du menton les pics d’une
blancheur étincelante qui se trouvaient derrière son épaule. Ou alors il vient
de beaucoup plus loin au nord et c’est la Sœur qui l’a amené, continua-t-il en
se remettant à ramer. A cette époque de l’année, elle est particulièrement
profonde à cause des crues. Et il faut qu’elle le soit pour charrier une telle
masse de glace. La partie de l’iceberg que tu as vue est beaucoup moins
importante que celle qui se trouve dans l’eau.
— C’est difficile à croire, dit Jondalar. Un iceberg aussi
gros... venir de si loin.
— Nous en voyons passer chaque année. Mais ils ne sont pas
toujours aussi gros que celui-là. Il n’en a plus pour longtemps d’ailleurs, la
glace est complètement rongée. Un bon choc et il se brisera. Il y a un rocher
un peu en aval qui affleure à la surface, il va certainement le heurter. Ça
m’étonnerait qu’il arrive entier jusqu’à la porte, conclut Carlono.
— Le choc aurait pu être pour nous, intervint Markeno, et
notre bateau se serait brisé. C’est pourquoi il ne faut jamais tourner le dos
au fleuve.
— Markeno a raison, dit Carlono. Avec le fleuve, ce n’est
jamais gagné. Si on ne s’occupe pas de lui, il trouve aussitôt le moyen de se
rappeler à votre bon souvenir.
— Cela me rappelle certaines femmes, intervint Thonolan.
Pas toi, Jondalar ?
Jondalar pensa aussitôt à Marona. En voyant le sourire entendu
de son frère, il se rendit compte qu’ils avaient eu tous les deux la même idée.
Il n’avait pas pensé à la jeune femme depuis un certain temps. La reverrait-il
un jour ? Elle était vraiment très belle. Mais Serenio l’était aussi.
Peut-être devrait-il lui demander de devenir sa compagne. Elle était plus âgée
que lui, mais cela ne faisait qu’ajouter à l’attirance qu’il
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