La Vallée des chevaux
compte ce n’est pas de construire un
bateau, mais de savoir naviguer.
— Si la construction des bateaux t’intéresse tellement,
pourquoi ne prends-tu pas une herminette pour nous donner un coup de
main ? demanda Thonolan. (Ses mains étaient couvertes de suie et une
longue traînée noire maculait une des ses joues.) Je vais même te prêter la
mienne, ajouta-t-il en lançant l’outil à son frère.
Jondalar attrapa l’herminette au vol – une robuste
lame en pierre sur laquelle était fixé, à angle droit, un manche –, se
noircissant les mains au passage.
Thonolan sauta sur le sol et s’approcha du feu, un tas de
braises rougeoyantes que léchaient ici et là des flammes orange. Il alla
chercher un bout de madrier, dont le dessus était criblé de trous carbonisés et
y fit glisser des braises à l’aide d’une branche. Il revint vers le tronc et
déversa les braises à l’intérieur de la cavité qu’ils étaient en train de
creuser. Markeno ajouta quelques morceaux de bois dans le feu, puis il
s’approcha avec un récipient plein d’eau. Il fallait que l’intérieur du tronc
brûle, mais sans prendre feu pour autant.
Thonolan étala les braises à l’aide d’un bâton, puis il les
arrosa avec un filet d’eau. Le chuintement de la vapeur et l’odeur du bois
brûlé témoignèrent du combat qu’étaient en train de se livrer les deux
éléments. L’eau finit par gagner la bataille. Après avoir retiré les morceaux
de charbon de bois humides, Thonolan réintégra l’intérieur du bateau et
recommença à racler le bois carbonisé, creusant et élargissant à la fois la
cavité.
— Laisse-moi te remplacer, proposa Jondalar après avoir
observé comment s’y prenait son frère.
— Je me demandais quand tu allais enfin t’y mettre, fit
remarquer Thonolan avec un sourire.
Lorsque les deux frères se retrouvaient ensemble, ils ne
pouvaient s’empêcher de parler leur langue. Mais ils faisaient tous deux des
progrès rapides en sharamudoï et Thonolan le parlait déjà presque couramment.
Après avoir donné quelques coups d’herminette, Jondalar s’arrêta
pour examiner la lame de l’outil. Il essaya de l’utiliser selon un angle
différent, en vérifia à nouveau le tranchant et finit par trouver le rythme
approprié. Les trois hommes travaillèrent un long moment sans échanger un mot,
puis ils s’arrêtèrent pour se reposer.
— Jamais vu encore utiliser des braises pour creuser le
fond du bateau, remarqua Jondalar alors qu’ils se dirigeaient vers l’auvent.
D’habitude, seulement une herminette.
— Le feu permet d’aller plus vite, fit remarquer Markeno.
Le chêne est un bois dur. Certaines de nos embarcations sont en pin. C’est un
bois plus tendre, plus facile à travailler. Mais, même alors, nous utilisons
des braises.
— Beaucoup de temps pour faire un bateau ? demanda
Jondalar.
— Cela dépend à quel rythme on travaille et du nombre
d’hommes qui participent à la construction. Ce bateau va être fini très vite.
Thonolan y tient beaucoup, puisqu’il doit avoir terminé avant de s’unir à
Jetamio. (Markeno ne put s’empêcher de sourire.) J’ai rarement vu quelqu’un
travailler aussi dur et il pousse les autres à faire comme lui. Il n’a pas tort
de s’y atteler ainsi. Mieux vaut finir le bateau le plus vite possible. Comme
ça, le bois n’a pas le temps de sécher. Cet après-midi, nous allons fendre
l’arbre qui va servir à faire les bordages. Est-ce que tu comptes nous
aider ?
— Il a intérêt ! s’écria Thonolan.
Le chêne énorme, que Thonolan et Jondalar avaient coupé le
jour de la Fête de la Promesse, avait été débarrassé de ses branches et
transporté de l’autre côté de la clairière. La plupart des hommes valides
avaient donné un coup de main pour le transport et ils étaient encore là pour
fendre le tronc. Jondalar, quant à lui, n’aurait manqué ça pour rien au monde.
Pour ce genre de travail, les Sharamudoï se servaient de coins
en andouillers. Ils commencèrent par les placer en ligne le long du tronc en
suivant le fil du bois. Puis ils les enfoncèrent avec de gros maillets en
pierre. Sous l’action des coins le tronc commença à se fendre. Ils
sectionnèrent alors les fibres qui, entre les coins, offraient encore une
résistance, tout en continuant à enfoncer les coins triangulaires jusqu’à ce
que le tronc s’ouvre en deux avec un claquement.
Jondalar hocha la tête d’un air
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