La Vallée des chevaux
c’est comme ça, Rondo, laisse-moi te raconter
l’histoire de cette femme qui avait pris son plaisir avec un Tête Plate et qui
a mis au monde un enfant d’esprit mêlé.
— Quelle horreur ! s’écria Rondo avec un frisson de
dégoût. Il ne faut pas plaisanter avec ces choses-là, Chalono. Qui l’a invité à
notre petite réunion ? demanda-t-il en se tournant vers les autres.
Fichez-le dehors. J’aime bien plaisanter, mais, lui, il va trop loin.
— Rondo a raison, dit Tarluno. Tu devrais t’en aller,
Chalono.
— Non, intervint Jondalar. Ne l’obligez pas à partir. Il
dit vrai. Bébés à l’esprit mêlé ne sont pas une plaisanterie. Mais qui sait
vraiment quelque chose là-dessus ?
— Des enfants mi-humain mi-animal, quelle abomination !
s’écria Rondo. Je ne veux pas parler de ça. Il fait trop chaud ici. Si je ne
sors pas tout de suite, je sens que je vais être malade.
— Cette réunion a été organisée pour que Thonolan se
détende, rappela Markeno. Je vous propose d’aller faire un petit plongeon dans
le fleuve, puis de revenir ici pour continuer la soirée. Il reste encore pas
mal de vin. Je ne vous l’ai pas encore dit, mais j’ai apporté une deuxième
gourde.
— J’ai l’impression que les pierres ne sont pas assez
chaudes, dit Markeno, soudain inquiet.
— Il ne faut pas laisser de l’eau dans le bateau trop
longtemps, rappela Carlono. La coque risque de gonfler alors que nous voulons
simplement que le trempage l’assouplisse. Thonolan, ajouta-t-il, est-ce que tu
as mis les entretoises près du bateau afin de pouvoir nous les passer quand
nous en aurons besoin ?
— Tout est prêt, répondit Thonolan en montrant les perches
en aulne, coupées à la longueur voulue et posées sur le sol à côté de la coque
remplie d’eau.
— Nous ferions mieux de nous y mettre, Markeno. Espérons
que les pierres seront suffisamment chaudes.
Le travail avait considérablement avancé. L’intérieur du tronc
avait été creusé à la gouge et poncé et, extérieurement, il possédait
maintenant les lignes gracieuses d’un long canoë. La coque n’était pas plus
épaisse que la longueur d’une phalange, sauf à l’endroit de la poupe et de la
proue. Jondalar avait observé Carlono lorsque celui-ci travaillait avec son
herminette et il avait été émerveillé de voir qu’il était capable de détacher
des copeaux aussi fins qu’une brindille. Après s’y être essayé, il avait mesuré
l’habileté et la dextérité du Sharamudoï. La proue du bateau se terminait par
un éperon, qui s’avançait loin en avant. La poupe était moins effilée que la
proue et la carène du bateau légèrement aplatie. C’était une embarcation très
allongée.
Les quatre hommes se dépêchèrent de placer les galets brûlants
dans l’eau qui remplissait à ras bords le bateau. Celle-ci se mit à bouillonner
et à lancer de longs jets de vapeur. Markeno et Carlono se placèrent alors au
milieu de l’embarcation, chacun d’un côté de la coque, puis ils se mirent à
tirer sur les flancs pour les écarter l’un de l’autre, en prenant bien soin de
ne pas faire éclater le bois. Lorsque le milieu de l’embarcation eut atteint la
largeur voulue, Jondalar et Thonolan leur firent passer les entretoises les
plus longues, qui furent aussitôt placées en diagonale à l’intérieur du bateau.
Les quatre hommes retenaient leur respiration. Le bateau tenait le coup :
c’était gagné !
Après avoir placé les entretoises centrales, ils fixèrent les
autres, de taille décroissante, sur toute la longueur de l’embarcation. Puis
ils écopèrent une partie de l’eau, retirèrent les pierres et renversèrent la
coque pour la débarrasser de l’eau qui restait au fond. Pour finir, ils
placèrent le bateau sur les cales pour qu’il sèche.
Les quatre hommes se reculèrent pour admirer leur travail. Le
bateau mesurait près de quinze mètres de long et plus de deux mètres de large.
La traction exercée sur ses flancs avait modifié ses lignes : au fur et à
mesure que la section centrale s’élargissait, l’avant et l’arrière du bateau se
relevaient. Ce procédé de construction avait un double avantage. Non seulement
l’accroissement sensible de la largeur de l’embarcation lui donnait plus de
stabilité, mais sa proue et sa poupe surélevées allaient lui permettre de
fendre l’eau plus facilement, surtout par gros temps.
— Maintenant, c’est le bateau du
Weitere Kostenlose Bücher