La Vallée des chevaux
m’intéresse plus, avoua-t-il la gorge nouée
par l’émotion qui l’étouffait.
— Comment faisais-tu avant de la rencontrer ? Tu es
jeune, Thonolan. Tu as encore toute la vie devant toi. Il te reste encore plein
de choses à découvrir. Peut-être rencontreras-tu un jour une femme comme
Jetamio.
— Tu ne comprends pas. Tu n’as jamais été amoureux. Jamais
je ne retrouverai une femme comme Jetamio.
— Tu vas donc la suivre dans le monde des esprits et
m’entraîner avec toi !
Ce n’était pas de gaieté de cœur que Jondalar employait un tel
argument. Mais s’il fallait culpabiliser Thonolan pour qu’il continue à vivre,
il était prêt à le faire.
— Personne ne t’a demandé de me suivre ! Fiche-moi la
paix et rentre de ton côté !
— Tous les gens souffrent lorsqu’ils perdent un être qu’ils
aiment, Thonolan, mais ils ne le suivent pas pour autant dans l’autre monde.
— Un jour, cela risque de t’arriver à toi aussi, Jondalar.
Un jour, tu aimeras tellement une femme que tu préféreras la suivre dans le monde
des esprits plutôt que de vivre sans elle.
— Si les rôles étaient inversés, si je venais de perdre la
femme que j’aimais et que je veuille mourir, est-ce que tu me laisserais tout
seul ? Dis-moi la vérité. Est-ce que tu le ferais ? Est-ce que tu
m’abandonnerais en sachant que je suis fou de douleur ?
Thonolan baissa les yeux pour échapper au regard anxieux de son
frère.
— Non, reconnut-il, je suppose que je ne te laisserais pas
tout seul si tu étais fou de douleur. Mais, tu sais, Grand Frère... (Il essaya
de sourire et ne réussit qu’à crisper un peu plus son visage ravagé par la
douleur.) Si je décide de voyager jusqu’à la fin de mes jours, tu ne pourras
tout de même pas passer ta vie à me suivre. Tu en as déjà par-dessus la tête de
voyager. Il faudra bien que tu rentres un jour ou l’autre, non ?
— C’est vrai, reconnut Jondalar. Mais si j’insiste pour que
tu viennes avec moi, ce n’est pas simplement parce que j’ai envie de rentrer.
C’est avant tout parce que je pense que tu as besoin de te retrouver au sein de
ta Caverne, dans ta famille, parmi des gens que tu connais depuis toujours et
qui t’aiment.
— Tu n’as toujours pas compris, Jondalar ! C’est en
cela que nous sommes différents. Toi, tu te sens chez toi dans la Neuvième
Caverne des Zelandonii, tandis que moi, je suis chez moi partout. Je me sens
autant sharamudoï que zelandonii. Quand j’ai quitté les Sharamudoï, j’ai eu
l’impression de prendre congé de ma propre famille. Et ça ne veut pas dire que
les Zelandonii ne m’intéressent pas. J’aimerais bien savoir si Joharran a
maintenant des enfants dans son foyer et si, en grandissant, Folara est devenue
aussi belle qu’elle promettait de l’être. J’aimerais revoir Willomar, lui
raconter notre Voyage et lui demander où il a l’intention de partir la
prochaine fois. Je me souviens encore à quel point j’étais excité chaque fois
qu’il rentrait d’expédition. J’écoutais ses récits et je rêvais de l’imiter. Il
rapportait toujours un petit cadeau pour chacun. Pour toi, pour Folara et pour
moi. Et toujours un cadeau magnifique pour notre mère. Quand tu rentreras, il
faudra que tu fasses pareil, qui tu lui rapportes un cadeau.
Tous ces prénoms familiers éveillaient chez Jondalar des
souvenirs poignants.
— Ce cadeau, c’est toi qui pourrais le lui rapporter,
Thonolan. Ne crois-tu pas que notre mère serait heureuse de te revoir ?
— Elle savait que je ne rentrerais pas, Jondalar. Quand
nous sommes partis, elle m’a simplement souhaité : Bon Voyage ! Si
elle était inquiète, c’était à cause de toi.
— Pourquoi se serait-elle plus inquiétée pour moi que pour
toi ?
— Je suis le fils du foyer de Willomar. Je pense qu’elle
savait que je serais, moi aussi, un voyageur. Même si cela ne lui plaisait pas,
elle l’acceptait. Elle connaît parfaitement tous ses fils – c’est
pour cela qu’elle a demandé à Joharran de lui succéder à la tête de la Neuvième
Caverne. Elle sait que tu es zelandonii dans l’âme. Si tu étais parti tout
seul, elle aurait été certaine de te revoir. Mais tu es venu avec moi et elle
savait que je ne reviendrais pas. Même si moi je ne le savais pas au départ,
notre mère l’avait deviné. Elle a très envie que tu rentres car tu es le fils
du foyer de Dalanar.
— Quelle différence cela fait-il ?
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