La Vallée des chevaux
Ils se sont séparés
il y a très longtemps. Quand ils se rencontrent à la Réunion d’Été, ils n’ont
plus que des relations purement amicales.
— Même s’ils sont maintenant simplement amis, les gens
continuent à parler de Marthona et de Dalanar. Leur amour a dû avoir quelque
chose d’exceptionnel pour que les gens s’en souviennent encore aujourd’hui. Si
Marthona te chérit autant, c’est parce que tu lui rappelles son premier amour.
Tu es le fils du foyer de Dalanar et certainement le fils de son esprit. Tu lui
ressembles tellement ! Il n’y a que là-bas que tu te sentiras chez toi.
Marthona le sait et toi aussi. Promets-moi de rentrer un jour, Grand Frère.
Jondalar hésitait à faire une telle promesse. Qu’il continue à
voyager avec son frère ou qu’il décide de rentrer, dans les deux cas il
faudrait qu’il renonce à quelque chose qui lui tenait à cœur. Pour l’instant,
il espérait encore pouvoir concilier les deux. S’il promettait à Thonolan de
rentrer, cela impliquait que ce retour aurait lieu sans son frère.
— Promets-moi, Jondalar, insista Thonolan.
Quels arguments pouvait-il employer pour refuser ?
— Je te promets qu’un jour je rentrerai, dit-il.
— Il faut bien que quelqu’un revienne pour leur dire que
nous sommes allés jusqu’à l’embouchure de la Grande Rivière Mère, dit Thonolan
en souriant. Comme je n’y serai pas, c’est à toi de le faire.
— Pourquoi n’y seras-tu pas ? Tu pourrais rentrer avec
moi...
— Si tu ne L’avais pas implorée, je pense que j’aurais
rejoint la Mère quand je me suis enfoncé dans ces sables mouvants. Je sais que
c’est quelque chose que tu n’arrives pas à admettre, mais je suis certain
qu’Elle ne va pas tarder à venir me chercher. Et je ne me ferai pas prier pour
La suivre.
— Tu ne vas tout de même pas essayer de te tuer ?
— Non, Grand Frère, répondit Thonolan en souriant. Il est
inutile que je fasse quoi que ce soit. Je suis certain que la Mère va venir me
chercher. Et je tiens à ce que tu saches que je suis prêt.
Depuis qu’il avait failli être entraîné par les sables mouvants,
Thonolan avait la certitude qu’il n’allait pas tarder à mourir. Il n’avait pas
peur et ne se rebellait pas. Son calme et son fatalisme effrayaient Jondalar.
Son frère avait cessé de lutter : il n’avait plus envie de vivre.
— Ne crois-tu pas que nous ayons une dette vis-à-vis de
Brecie et du Camp du Saule ? demanda-t-il dans l’espoir de le mettre en
colère. Ils nous ont nourris, ils nous ont fourni des vêtements et des armes.
Est-ce que tu aurais le front d’accepter tout ça sans rien leur donner en
échange ? (Jondalar s’en voulait d’avoir promis à son frère de rentrer
sans lui. Maintenant que Thonolan lui avait extorqué cette promesse, il ne se
sentait plus aucune obligation envers qui que ce soit.) Tu es tellement
persuadé du destin que te réserve la Mère que tu te fiches de ce qui peut
arriver aux autres ! s’écria-t-il. J’ai raison, n’est-ce pas ?
Thonolan sourit à nouveau. Il comprenait la colère de son frère.
Il aurait réagi exactement de la même manière si Jetamio lui avait annoncé
qu’elle allait bientôt mourir.
— Je tiens à te dire quelque chose, Jondalar. Nous étions
très proches l’un de l’autre...
— Nous le sommes toujours, non ?
— En effet. Tu pourrais en profiter pour te laisser aller
quand tu es avec moi. Tu n’es pas obligé d’être parfait en toutes occasions et
de te montrer aussi attentionné...
— J’ai si peu de défauts que Serenio a refusé de devenir ma
compagne ! s’écria Jondalar d’une voix amère.
— Elle savait que tu allais partir. Si tu t’étais déclaré
plus tôt, elle aurait certainement accepté. Et si tu avais insisté un peu plus,
elle t’aurait certainement dit oui – tout en sachant que tu ne
l’aimais pas. Tu n’avais pas envie de t’unir à elle, Jondalar.
— J’aurais tant aimé être amoureux d’elle !
— Je sais. Et c’est pourquoi je désire te dire quelque
chose que j’ai appris grâce à Jetamio. Pour tomber amoureux, il faut être
capable de se laisser aller à sa passion et il faut renoncer à tout maîtriser.
On en souffre parfois, mais si on refuse de prendre ce risque, on ne peut pas
être heureux. Celle dont tu tomberas amoureux ne ressemblera peut-être pas à la
femme de tes rêves. Mais ça n’a pas d’importance. Tu l’aimeras pour ce
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