La Vallée des chevaux
étaient plus fins, plus longs, avec un bulbe de percussion moins
renflé. Quand elle eut terminé, le gros œuf en pierre du début avait une
surface supérieure et ovale.
Imitant Droog qui, avant d’accomplir l’étape suivante, demandait
toujours l’aide de son totem, Ayla s’arrêta de travailler, saisit son amulette
et, fermant les yeux, adressa une pensée silencieuse à l’esprit du Lion des
Cavernes. Pour ne pas rater la prochaine étape, il fallait non seulement être
habile, mais aussi avoir de la chance. En outre, Ayla savait que Jondalar
l’observait et cela la rendait nerveuse. L’important, ce n’était pas tant
l’outil qu’elle était en train de fabriquer que la technique qu’elle utilisait.
Si elle gâchait cette pierre, elle aurait beau répéter qu’elle n’était pas une
spécialiste, Jondalar douterait des capacités de Droog et du Clan tout entier.
Il avait déjà remarqué qu’Ayla portait une amulette autour du
cou et, en la voyant pour la première fois saisir à deux mains cet objet et
fermer les yeux, il s’interrogea. Elle avait saisi ce petit sac avec respect,
comme lui-même aurait saisi sa donii. Mais une donii était une statuette
représentant une femme dans toute son abondance maternelle, un symbole de la
Grande Terre Mère et du merveilleux mystère de la création. Cette petite poche
bosselée ne pouvait en aucun cas avoir la même signification.
Ayla rouvrit les yeux et reprit son percuteur en os. Avant de
détacher du noyau une tranche aux arêtes droites et tranchantes, il fallait
d’abord qu’elle prépare une plate-forme de percussion. Pour ce faire, elle
devait détacher près du bord un petit éclat perpendiculairement à la surface
plane du silex.
Tenant fermement le nucleus pour qu’il ne bouge pas, elle visa
avec soin. Elle devait non seulement frapper au bon endroit, mais aussi mesurer
la puissance de son coup : si elle ne frappait pas assez fort, le petit
éclat n’aurait pas l’angle désiré, et si elle frappait trop fort, elle
briserait le bord tranchant qu’elle avait si soigneusement façonné. Elle prit
une profonde inspiration, retint son souffle et frappa avec son percuteur en
os. Le premier coup était important : s’il était réussi, c’était de bon
augure. Un petit éclat se détacha, bien net. Ayla, soulagée, respira plus
calmement.
Elle fit basculer le noyau pour pouvoir l’attaquer sous un autre
angle et frappa à nouveau, avec plus de force cette fois. Le percuteur en os
retomba exactement dans l’entaille et un éclat se détacha du noyau. La lamelle,
toute en longueur, était de forme ovale. Sa surface supérieure, façonnée à
petits coups au sommet de l’œuf, restait irrégulière. La face opposée, débitée
dans l’épaisseur du noyau, était lisse, renflée à l’endroit où le percuteur
avait frappé, puis s’amincissait jusqu’à former sur tout le pourtour un bord
aussi coupant qu’une lame de rasoir.
Jondalar saisît l’outil.
— C’est une technique difficile à maîtriser, dit-il. Il
faut faire preuve à la fois de force et de précision. Quel bord
tranchant ! Ce n’est nullement un outil grossier.
Ayla poussa un soupir de soulagement. Non seulement elle avait
parfaitement accompli sa tâche, mais elle venait de faire honneur au Clan. En
réalité, le fait de ne pas être née au sein du Clan lui donnait un avantage
supplémentaire. Si Jondalar avait observé un membre du Clan alors qu’il
taillait un silex, il aurait été influencé par le fait qu’il se trouvait en
présence d’un Tête Plate et il n’aurait pas jugé en toute objectivité sa
performance.
Ayla le regardait qui contemplait le silex quand, brusquement,
elle ressentit une sorte de décalage intérieur. Elle se mit à frissonner sans
raison et il lui sembla qu’elle observait soudain Jondalar et elle-même de
loin, comme si elle venait de quitter son propre corps.
Elle se souvint brusquement et avec netteté de la nuit où elle
avait fait l’expérience d’une désorientation similaire. Elle se revoyait en
train de s’enfoncer à l’intérieur d’une grotte, guidée par la lueur de lampes
de pierre, puis agrippée à un pilier alors qu’elle se sentait invinciblement
attirée vers un espace circonscrit par de lourdes colonnes de stalactites au plein
cœur de la montagne.
Dix mog-ur étaient assis en cercle autour du feu. Mais seul
Mog-Ur – Creb lui-même – avait deviné sa présence. La force de
son
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