La Vallée des chevaux
certainement plus
maintenant sur les Têtes Plates que la plupart des gens. Cela pourrait être
utile un jour...
Le fait de repenser aux Têtes Plates lui rappela soudain ce qui
s’était passé la veille et il ne put s’empêcher de rougir de honte. Totalement
absorbé par la taille du silex, il avait oublié son inqualifiable conduite. Il
avait regardé Ayla travailler sans vraiment remarquer que ses longues tresses
dorées brillaient dans la lumière, faisant ressortir sa peau bronzée, et que
ses yeux gris-bleu étaient de la même couleur translucide que le silex
calcédoine qu’il venait de tailler.
Oh, Doni ! Comme elle est belle ! se dit-il. Prenant
soudain conscience qu’elle était assise tout à côté de lui, il sentit son sexe
se durcir. Et son regard trahit ce qu’il éprouvait.
Son changement d’humeur était tellement inattendu qu’il prit Ayla
au dépourvu. Comment un homme pouvait-il posséder des yeux d’un tel bleu ?
Ni le ciel ni les gentianes qui poussaient dans les montagnes près de la
caverne du Clan n’arboraient un bleu aussi profond. Elle ressentait à
nouveau... ce sentiment si étrange : des fourmillements dans tout le corps
et le désir qu’il la caresse. Elle était penchée en avant, comme s’il la tirait
vers lui, et ce n’est qu’au prix d’un effort surhumain qu’elle réussit à fermer
les yeux et à se reculer.
Pourquoi me regarde-t-il ainsi alors que je suis un
monstre ? se demanda-t-elle. Pourquoi ne peut-il me toucher sans aussitôt
bondir comme s’il venait de se brûler ? Son cœur battait la chamade et
elle était aussi essoufflée que si elle venait de courir.
Jondalar s’était levé avant qu’elle ne rouvre les yeux,
renversant la peau qui lui couvrait les jambes et éparpillant les lames qu’il
venait de tailler avec tant de soin. Ayla le vit disparaître derrière la
saillie rocheuse. La démarche raide, les épaules voûtées, il semblait malheureux – aussi
malheureux qu’elle.
Une fois hors de sa vue, il se mit à courir, dévalant la prairie
à toute vitesse jusqu’à ce que les jambes lui fassent mal et qu’il ne puisse
plus respirer. Il ralentit alors et s’arrêta, haletant.
Imbécile ! se dit-il. Qu’est-ce qui t’a pris ? Ce
n’est pas parce qu’elle a eu la gentillesse de t’offrir quelques silex qu’elle
veut t’accorder plus ! Hier, elle s’est sentie blessée parce que tu ne lui
as pas proposé de... Mais c’était avant que tu fiches tout en l’air !
Jondalar n’avait aucune envie de repenser à ce qui s’était passé
la veille. Il imaginait ce qu’elle avait dû ressentir en voyant sa moue de
dégoût. Nous en sommes toujours au même point, se dit-il. N’oublie pas qu’elle
a vécu avec des Têtes Plates. Pendant des années. Qu’elle est devenue une des
leurs. Qu’un de leurs mâles...
Il s’obligea à fouiller dans sa mémoire, ramenant au jour toutes
les anecdotes obscènes, répugnantes et immondes qui, au sein de la Caverne, se
rapportaient aux Têtes Plates – donc à Ayla. Lorsque, jeune garçon,
il se cachait avec d’autres enfants de son âge dans les buissons pour échanger
des gros mots, « femelle Tête Plate » en faisait partie. Un peu plus
tard – il n’était pas beaucoup plus vieux, mais savait ce que voulait
dire « se faire une femme » – il s’était retrouvé avec les
mêmes garçons dans un des coins sombres de la caverne pour parler à voix basse
des femelles Têtes Plates qu’ils allaient se faire et de ce qu’il leur
arriverait s’ils osaient commettre un tel acte.
A cette époque, l’idée qu’un mâle Tête Plate puisse faire la
même chose avec une femme était pour lui impensable. Il en avait entendu parler
pour la première fois lorsqu’il était jeune homme. Quand ses amis racontaient
des cochonneries, en riant sous cape comme des gamins, il était toujours
question d’une femme et d’un mâle Tête Plate, l’histoire la plus ordurière
étant celle d’un homme qui, en toute ignorance, avait partagé les Plaisirs avec
une femme souillée par un Tête Plate. Le piquant de la plaisanterie était
là : qu’il l’ait fait en toute ignorance.
En revanche, jamais on ne plaisantait au sujet des monstres – ou
des femmes qui les portaient. Ces monstres étaient des mélanges impurs
d’esprits, des créatures malfaisantes lâchées sur terre, que même la Mère,
pourtant génératrice de toute vie, avait en horreur. Et les femmes
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