La Vallée des chevaux
une femme. Plus grande que tous les membres du
Clan. Plus grande que lui.
— Plus grande peut-être, mais pas aussi forte. J’ai
rencontré quelques Têtes Plates. Ils sont drôlement forts. Je n’aimerais pas
avoir à me battre avec l’un d’eux.
— Ce sont des hommes, Jondalar, corrigea-t-elle d’une voix
douce. Pas des Têtes Plates – des hommes du Clan.
Ayla n’avait pas élevé la voix, mais elle serrait les mâchoires
d’un air obstiné.
— Malgré ce qu’il t’a fait, tu prétends toujours que ce
n’est pas un animal ?
— Si Broud, sous prétexte qu’il m’a forcée, est un animal,
les hommes qui ont violé les femmes du Clan sont aussi des animaux, non ?
Jondalar n’avais jamais encore envisagé la question sous cet
angle.
— Tous les hommes du Clan n’étaient pas comme Broud, reprit
Ayla. Creb avait beau être un puissant mog-ur, cela ne l’empêchait pas d’être
doux et gentil. Brun, le chef, était un homme volontaire, mais il était juste.
Il était obligé de respecter les lois du Clan, mais cela ne l’a pas empêché de
me donner l’autorisation de chasser et il a accepté Durc. Quand je suis partie,
il m’a promis de s’occuper de lui.
— Quand es-tu partie ?
Ayla réfléchit : année de naissance, année de la marche,
année du sevrage...
— Durc avait trois ans quand j’ai quitté le Clan, dit-elle.
Jondalar traça trois traits de plus sur le sol.
— Tu avais quatorze ans ? Seulement quatorze
ans ? Et tu as vécu ensuite dans cette vallée pendant trois ans ?
(Jondalar fit le compte des traits.) Tu as dix-sept ans, Ayla. Dix-sept ans
qui, en l’occurrence, représentent toute une vie.
Le regard songeur, Ayla s’assit sur le sol pour mieux réfléchir.
— Durc a six ans maintenant, dit-elle au bout d’un moment.
Les hommes ne vont pas tarder à l’emmener dans la clairière pour qu’il commence
à s’entraîner. Grod va lui fabriquer un épieu à sa taille et Brun lui montrera
comment s’en servir. Et s’il est toujours en vie, le vieux Zoug lui apprendra à
se servir d’une fronde. Durc s’amusera à chasser des petits animaux avec Grev,
son ami. Durc était plus jeune que Grev, mais il le dépassait déjà d’une tête.
Il a toujours été très grand pour son âge. Il tient ça de moi. Il court vite.
Je suis sûre qu’à la course, il les bat tous. Et il sera aussi très fort à la
fronde. Il ne manquera pas d’affection. Uba l’aime beaucoup. Au moins autant que
moi...
Le visage ruisselant de larmes, Ayla éclata en sanglots et,
avant qu’elle puisse se rendre compte de ce qui se passait, elle laissa
retomber sa tête sur l’épaule de Jondalar et se retrouva dans ses bras.
— Tout va bien, Ayla, dit celui-ci en lui tapotant
gentiment l’épaule. Mère à onze ans et séparée de son fils à quatorze
ans ! Elle n’avait pas pu le regarder grandir et n’était même pas certaine
qu’il soit en vie. Elle se raccrochait à l’espoir que quelqu’un prenait soin de
lui, l’aimait et qu’on allait lui apprendre à chasser... comme à n’importe quel
autre enfant.
Quand Ayla releva la tête et s’écarta de Jondalar, elle était
vidée mais se sentait le cœur plus léger, comme si sa douleur pesait maintenant
moins lourd. Pour la première fois depuis qu’elle avait quitté le Clan, elle
avait pu partager son chagrin avec un autre être et elle eut un sourire de
gratitude pour Jondalar.
Celui-ci lui sourit à son tour, avec tendresse et compassion.
Son regard exprimait aussi un sentiment plus profond dont il n’avait pas
conscience mais qui se lisait clairement dans ses yeux bleus et qui trouva
aussitôt un écho chez Ayla. Ils restèrent un long moment les yeux dans les yeux
à échanger en silence ce qu’ils n’osaient dire à haute voix.
Ayla, qui n’était pas encore très à l’aise quand on la regardait
dans les yeux, finit par détourner la tête et se mit à ranger les bâtons. Il
fallut un certain temps avant que Jondalar reprenne ses esprits et se décide à
l’aider.
Même s’ils se rendaient compte qu’il n’y avait rien de choquant
dans leur étreinte, ils évitaient de se regarder ou de se retrouver trop près
l’un de l’autre afin de ne pas gâcher ce moment de tendresse imprévu.
Quand Ayla eut fini de ranger les bâtons, elle se tourna vers
Jondalar et lui demanda :
— Quel âge as-tu ?
— J’avais dix-huit ans au début de mon Voyage, dit-il.
Thonolan avait quinze
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