La Vallée des chevaux
ans... et dix-huit ans quand il est mort. Il était encore
si jeune ! (Il se tut, le visage douloureux, avant de reprendre :)
J’ai vingt et un ans, Ayla... C’est très âgé pour être encore seul. La plupart
des hommes plus jeunes que moi ont déjà trouvé une compagne et fondé un foyer.
Thonolan avait seize ans lors de la Cérémonie de l’Union.
— Quand je vous ai découverts, vous n’étiez que deux. Où
est sa compagne ?
— Elle est morte. En mettant au monde un enfant. Le bébé
est mort, lui aussi. (Les yeux d’Ayla se remplirent de pitié.) C’est pour ça
que nous nous sommes remis en route. Il ne pouvait plus rester là-bas. Depuis
le début, c’était son Voyage, plus que le mien. Il ne tenait pas en place et
aimait l’aventure. Il n’avait peur de rien et se faisait des amis partout. Moi,
je ne faisais que voyager avec lui. Thonolan était mon frère mais aussi mon
meilleur ami. Quand Jetamio est morte, j’ai essayé de le convaincre de rentrer
avec moi. Mais il n’a pas voulu. Il souffrait tellement qu’il voulait suivre
Jetamio dans l’autre monde.
Se souvenant soudain du chagrin de Jondalar à l’annonce de la
mort de son frère, Ayla se rendit compte qu’il souffrait toujours.
— Si c’était son désir, peut-être est-il plus heureux
ainsi, dit-elle d’une voix douce. Il est difficile de continuer à vivre quand
on perd quelqu’un qu’on aime autant.
Repensant au chagrin inconsolable de son frère, Jondalar eut
l’impression qu’il le comprenait un peu mieux. Ayla avait peut-être raison...
Après avoir elle-même tant souffert, elle devait savoir ce qu’on éprouvait en
pareil cas. Thonolan avait du courage : il était intrépide et plein de
fougue. Le courage d’Ayla était différent : elle ne se révoltait pas et, malgré
ses souffrances, elle avait choisi de continuer à vivre.
Ayla n’arrivait pas à s’endormir. En entendant Jondalar remuer
de l’autre côté du foyer, elle se demanda s’il dormait. Elle serait bien allée
le rejoindre. Mais l’élan de tendresse qui les avait rapprochés un peu plus tôt
semblait si fragile qu’elle craignait de le gâcher en lui demandant plus qu’il
ne pouvait donner.
A la lueur des braises, elle apercevait la forme de son corps
enveloppé dans les fourrures. Un de ses bras était sorti, ainsi que son mollet
musclé, et son talon était posé sur le sol. Ayla le voyait bien plus
distinctement quand elle fermait les yeux que quand elle regardait la forme
allongée de l’autre côté du foyer. Ses longs cheveux blonds et raides retenus
par une lanière à hauteur de la nuque, sa barbe d’un blond plus foncé et
bouclée, ses yeux saisissants qui en disaient beaucoup plus long que ses
paroles et ses grandes mains aux doigts sensibles lui apparaissaient alors bien
plus clairement. Qu’il s’agisse de tailler un silex ou de caresser le poulain,
il savait merveilleusement se servir de ses mains.
Comment un homme aussi fort et solide pouvait-il être aussi
gentil ? Ayla avait senti la puissance de ses muscles quand il l’avait
prise dans ses bras. Il ne semblait nullement honteux de montrer ses sentiments
et de manifester son chagrin. Les hommes du Clan étaient plus réservés. Creb
qui, Ayla le savait, l’aimait tendrement, ne se serait jamais laissé aller à
exposer aussi ouvertement ses sentiments, même à l’intérieur des pierres qui
délimitaient son foyer.
Durant la nuit, Ayla ne cessa de se tourner et de se retourner
sur sa couche, jetant un coup d’œil au torse nu de l’homme couché de l’autre
côté du foyer, ou à ses larges épaules, ou encore à sa cuisse droite marquée
par une longue cicatrice. Pourquoi cet homme lui avait-il été envoyé ?
Pour qu’elle sache se servir de nouveaux mots qu’il était en train de lui
apprendre ? Il allait aussi lui montrer une nouvelle méthode de chasse.
Qui aurait cru qu’un homme lui proposerait un jour une chose pareille ?
Dans ce domaine aussi, il ne se conduisait pas comme les hommes du Clan.
Peut-être pourrai-je faire quelque chose de spécial pour lui ? se
dit-elle. Quelque chose pour qu’il se souvienne de moi.
Elle s’assoupit en songeant à quel point elle avait envie de se
retrouver à nouveau dans ses bras, de sentir la chaleur de son corps et le
contact de sa peau contre la sienne. Quand elle se réveilla, un peu avant
l’aube, elle venait de rêver que Jondalar marchait en plein hiver au milieu des
steppes, et dès
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