La Vallée des chevaux
représentaient toutes ces
entailles.
— Autant de jours qu’il y a d’entailles, répondit-elle.
Jondalar examina avec curiosité un des bâtons. Ayla ne
connaissait pas les mots pour compter mais elle n’était certainement pas loin
de comprendre à quoi ils servaient. Dans la Caverne de Jondalar, peu de gens
avaient accès à ce genre de connaissance. Les mots pour compter possédaient un
pouvoir magique et rares étaient ceux qui étaient initiés à leur signification.
Zelandoni lui avait fourni quelques explications et, même si leur sens magique
lui échappait en grande partie, il en savait plus à ce sujet que la plupart des
gens qui n’étaient pas au service de la Mère. Où donc Ayla avait-elle appris à
faire des marques sur des bâtons ? Comment une personne élevée par des
Têtes Plates pouvait-elle avoir accès à ce type de connaissance ?
— Qui t’a appris à faire ça ? lui demanda-t-il.
— C’est Creb qui m’a montré. Il y a longtemps. J’étais
encore une petite fille.
— Creb... l’homme dans le foyer duquel tu vivais ?
Savait-il ce que ces marques signifiaient ? Ou se contentait-il de faire
des entailles dans un bâton ?
— Creb était... Mog-ur... le plus grand magicien du Clan.
Tous les clans comptaient sur lui pour savoir à quelle époque devait avoir lieu
certaines cérémonies, comme le Rassemblement du Clan. Et Creb se servait de ces
marques pour la déterminer. Un jour, il m’a montré comment il s’y prenait parce
qu’il en avait assez que je lui pose des questions. A mon avis, il ne pensait
pas que j’arriverais à comprendre car, même pour les mog-ur, c’était difficile.
Ensuite, il ne m’en a jamais reparlé. Sauf le jour où il m’a surprise en train
de marquer les jours d’un cycle de la lune. Et ce jour-là, il s’est mis très en
colère.
— Ce... Mog-ur, dit Jondalar qui avait du mal à prononcer
le mot, c’était un homme doté de pouvoirs magiques, comme un zelandoni ?
— Je ne sais pas. Pour toi, un zelandoni est un Homme Qui
Guérit.
Mog-ur n’était pas un Homme Qui Guérit. Iza connaissait les
plantes médicinales, elle était la guérisseuse du clan. Tandis que Mog-ur
connaissait les esprits. Il aidait Iza à guérir ses patients en parlant aux
esprits.
— Un zelandoni peut être un Homme Qui Guérit, mais il peut
aussi avoir d’autres dons. Nous appelons zelandoni tous ceux qui ont répondu à
l’appel et qui sont au Service de la Mère. Certains d’entre eux n’ont aucun don
particulier, juste le désir de Servir. Les zelandoni peuvent aussi parler à la
Mère.
— Creb avait bien d’autres dons. C’était un puissant
magicien. Il pouvait... il faisait... je ne saurais pas t’expliquer...
Jondalar hocha la tête : il était bien difficile d’expliquer
les dons d’un zelandoni, d’autant plus qu’ils gardaient jalousement leurs
secrets. Regardant à nouveau le bâton, il montra à Ayla les entailles plus
profondes et demanda :
— Qu’est-ce que ça signifie ?
— C’est ma... ma... féminité, avoua-t-elle en rougissant.
Pendant toute la durée de leurs règles, les femmes du Clan
étaient tenues d’éviter les hommes et ceux-ci les ignoraient complètement. Les
femmes étaient victimes de cette exclusion parce que les hommes avaient peur de
la force de vie mystérieuse qui leur permettait d’engendrer. Cela conférait à
l’esprit de leur totem une puissance extraordinaire, capable de repousser
l’essence fécondante de l’esprit du totem de l’homme. Quand la femme saignait,
cela voulait dire que son totem avait gagné, qu’il avait blessé celui de
l’homme – qu’il avait réussi à le chasser. Aucun homme n’avait envie
que l’esprit de son totem soit entraîné dans une bataille durant cette période.
Cet interdit avait posé un véritable dilemme à Ayla peu de temps
après qu’elle eut ramené Jondalar à la caverne. Elle n’avait pu s’isoler car
l’état du blessé exigeait qu’elle reste constamment à son chevet. Elle avait
donc passé outre. Plus tard, elle avait essayé de réduire au minimum ses
contacts avec lui chaque fois qu’elle recommençait à saigner. Mais elle ne
pouvait l’éviter totalement puisqu’ils partageaient la même caverne. Et comme
il n’y avait pas d’autres femmes pour s’acquitter de ses tâches à sa place, il
avait bien fallu qu’elle continue à chasser, à préparer les repas et même qu’elle
mange avec lui, puisqu’il
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