La Vallée des chevaux
pour moi...
Peut-être ai-je eu tort de tenter une sortie mais il était hors de question que
je te laisse attaquer le rhinocéros avec une sagaie aussi légère. Qu’aurais-je
fait, hein, s’il t’avait donné un coup de corne ? demanda-t-il avec un
grand sourire. (Il ajouta, les yeux pétillant de malice, comme un enfant tout
fier de vous avoir joué un bon tour :) De toute façon, il ne m’a même pas
couru après.
Jondalar n’en voulait pas vraiment à son frère. Il était surtout
soulagé de voir qu’il s’en était sorti sans mal.
— Tu as eu de la chance, dit-il en soupirant. Nous en avons
eu tous les deux. Mais nous aurions intérêt à fabriquer deux sagaies mieux
adaptées à ce genre de gibier.
— Il n’y a pas d’ifs par ici, fit remarquer Thonolan en
commençant à ranger la tente. Mais nous trouverons facilement des frênes ou des
aulnes sur notre route.
— Même un saule ferait l’affaire. Et mieux vaudrait
s’occuper de ces sagaies avant de partir.
— Ne restons pas ici, Jondalar. Nous avions décidé
d’atteindre les montagnes avant la nuit.
— L’idée de voyager sans une arme capable d’arrêter les
rhinocéros qui se baladent par ici ne me plaît pas tellement.
— Nous pourrons nous arrêter plus tôt que d’habitude. De
toute façon, il faudra réparer la tente. Nous en profiterons pour chercher les
arbres dont nous avons besoin. Inutile d’attendre sur place que ce rhinocéros
revienne.
— Tu oublies qu’il peut aussi nous suivre... rappela
Jondalar qui savait très bien que chaque matin son frère était impatient de se
remettre en route. D’accord ! convint-il finalement. Nous allons essayer
d’atteindre les montagnes. Mais nous nous arrêterons bien avant la nuit.
— D’accord, Grand Frère.
Les deux frères s’étaient remis en route et suivaient la
rive du fleuve. Tout naturellement, ils avaient adopté la même allure et
savouraient cette marche silencieuse. Ce Voyage en commun les avait beaucoup
rapprochés. Chacun connaissait maintenant la force et les faiblesses de
l’autre. Ils se partageaient tout naturellement les tâches quand venait le
moment d’établir leur camp et dépendaient étroitement l’un de l’autre en cas de
danger. Ils étaient jeunes, forts, en parfaite santé et si sûrs d’eux qu’ils
étaient persuadés de pouvoir faire face à n’importe quelle situation.
Vivant en parfaite harmonie avec la nature, ils réagissaient
instinctivement à n’importe quel changement dans leur environnement. Et à la
moindre menace, ils se tenaient sur leurs gardes. En revanche, ils prêtaient
peu d’attention au vent froid qui, ce jour-là, remuait les branches, aux nuages
qui s’amoncelaient sur les premiers contreforts enneigés de la montagne située
en face d’eux ou même aux eaux profondes qui coulaient le long de la berge.
Le parcours de la Grande Rivière Mère était canalisé par les
hautes chaînes montagneuses du continent. Après être sortie des montagnes
septentrionales aux sommets couverts de glace, elle coulait d’abord en
direction de l’est. De l’autre côté se trouvait un haut plateau et, plus à
l’est, une seconde chaîne en arc de cercle. A l’endroit où les confins
montagneux rencontraient les premiers contreforts de ce second massif, le
fleuve se frayait un passage à travers la barrière rocheuse et obliquait
brusquement vers le sud.
Après s’être glissé entre les plateaux karstiques, le fleuve
dessinait des méandres dans les steppes verdoyantes et se divisait alors en
plusieurs bras, qui finissaient par se rejoindre en un seul coulant vers le
sud. Pendant la traversée des plaines, le fleuve lent et paresseux donnait
l’impression de ne subir aucun changement. En réalité, avant qu’elle
n’atteigne, à l’extrême sud de ces immenses plaines, la région montagneuse qui
allait à nouveau l’obliger à obliquer vers l’est, la Grande Rivière Mère avait
reçu tous les cours d’eau venus des faces nord et est de la première chaîne de
montagnes.
Gros de tous ces affluents, le fleuve faisait alors une grande
boucle pour contourner l’extrémité sud du second massif. Les deux frères
avaient suivi la rive gauche, traversant les bras du fleuve au fur et à mesure
que ceux-ci leur barraient la route. Sur la rive droite, le pays était très
escarpé. De leur côté, la berge du fleuve s’élevait graduellement et formait
des collines moutonnantes.
— Je ne pense pas que
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