La Vallée des chevaux
dernier
quartier de viande quand soudain elle changea d’avis. Ce travail pouvait attendre.
Jamais elle ne s’était sentie aussi fatiguée. Elle alimenta à nouveau les feux
pour qu’ils continuent à brûler pendant son sommeil et se roula dans sa
couverture en fourrure.
La petite pouliche, qui avait réussi à se détacher, s’approcha
pour la renifler et vint s’étendre à côté d’elle. A moitié endormie, Ayla posa
son bras sur l’encolure du cheval et, bercée par sa respiration et les
battements de son cœur, sombra aussitôt dans un sommeil sans rêve.
6
Jondalar frotta son menton rugueux et allongea le bras pour
prendre son sac posé contre le tronc d’un pin rabougri. Après avoir fouillé à
l’intérieur, il en sortit une pochette en cuir souple, défit le lacet qui la
tenait fermée, la déplia devant lui, choisit une fine lame de silex, au bord
plat et tranchant.
Un coup de vent agita soudain les branches du vieux pin couvert
de lichen. La rafale souleva le rabat en peau à l’entrée de la tente,
s’engouffra à l’intérieur, tira sur les cordes et ébranla les piquets, puis,
changeant d’avis, plaqua à nouveau le rabat contre l’ouverture. Haussant les
épaules d’un air fataliste, Jondalar rangea la lame dans la pochette et referma
celle-ci.
— Le moment est venu de laisser pousser sa barbe ?
demanda Thonolan.
Jondalar, qui ne l’avait pas entendu arriver, le regarda d’un
air surpris.
— En été, je n’aime pas porter la barbe, dit-il. Dès qu’on
transpire, ça vous démange. Par contre, l’hiver, la barbe tient chaud. Et j’ai
bien l’impression que l’hiver arrive.
Thonolan s’approcha du feu qu’ils avaient allumé tout près de la
tente, s’assit en tailleur à côté du foyer et approcha ses mains des flammes
pour les réchauffer.
— A part un buisson ici ou là dont les feuilles sont encore
rouges, tout le reste tourne au jaune et au brun, annonça-t-il en montrant à
son frère les immenses prairies qui se trouvaient derrière eux. Même les pins
ont légèrement jauni. Il y a de la glace sur les flaques et les cours d’eau
gèlent en surface. Les feuilles ne vont pas tarder à tomber.
— Il n’y en a plus pour longtemps en effet, reconnut Jondalar
en s’installant en face de son frère. Au lever du jour, j’ai vu passer un
rhinocéros qui se dirigeait vers le nord.
— La neige ne devrait pas tarder.
— Tant que les mammouths et les rhinocéros ne seront pas
partis, nous ne risquons pas d’être surpris par une tempête de neige. De
petites chutes de neige ne les gênent pas mais dès qu’ils sentent venir une
tempête, ils filent en direction du glacier. « Quand le mammouth va vers
le nord, ne te mets pas en route. » C’est vrai aussi pour les rhinocéros.
Mais celui que j’ai aperçu ce matin ne semblait nullement pressé.
— Je me souviens d’une chasse qui a tourné court sans que
nous ayons tué quoi que ce soit, simplement parce que les rhinocéros se ruaient
vers le nord, fit remarquer Thonolan. Je me demande s’il neige beaucoup ici...
— L’été a été sec. Si l’hiver est pareil, il ne devrait pas
tomber beaucoup de neige. Les mammouths et les rhinocéros resteront sur place.
Mais, pour l’instant, on ne peut rien dire. Nous sommes descendus très bas et
l’hiver risque d’être plus humide que dans le nord. S’il y a des gens dans les
montagnes qui se trouvent à l’est, ils doivent savoir. Peut-être aurions-nous
dû rester chez ceux qui nous ont fait traverser le fleuve en radeau. Nous avons
absolument besoin de trouver un endroit où passer l’hiver. Et vite !
— Tu sais ce qui me ferait plaisir ? dit Thonolan en
souriant. Une Caverne agréable où nous serions reçus à bras ouverts et qui
serait remplie de belles femmes.
— Qu’une Caverne nous reçoive à bras ouverts et je m’estimerai
déjà heureux.
— Tu n’as pas plus envie que moi de passer l’hiver sans la
réconfortante présence d’une femme, non ?
— L’hiver sera moins froid avec une femme, reconnut
Jondalar. Mais ce n’est pas en restant ici que nous en trouverons. Il est temps
de se mettre en route, dit-il en se levant.
— Tout à fait d’accord, répondit Thonolan.
Tournant le dos au feu, il s’apprêtait lui aussi à se lever
quand soudain il se figea.
— Jondalar ! chuchota-t-il. Ne bouge pas et regarde de
l’autre côté de la tente. Tu verras ton ami de ce matin, ou un autre qui
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