La Vallée des chevaux
nous atteindrons l’embouchure du
fleuve avant l’hiver, fit remarquer Jondalar.
— Et moi, je suis sûr du contraire, répliqua Thonolan.
Regarde comme il est large, continua-t-il en montrant le cours d’eau à son
frère. Je n’aurais jamais cru qu’il puisse atteindre une telle taille. Je ne
serais pas étonné que nous soyons tout près de l’embouchure.
— C’est impossible ! Nous n’avons pas encore rencontré
la Rivière Sœur. Tamen nous a dit que cet affluent était aussi large que la
Grande Rivière Mère.
— A force de parler de la Sœur, on a dû exagérer sa taille.
Comment imaginer qu’il puisse y avoir un autre cours d’eau aussi large que
celui-là !
— Tamen n’a pas dit qu’il avait vu la Sœur. Mais ça
m’étonnerait qu’il se soit trompé. Toutes les indications qu’il nous a données
se sont révélées justes. Il nous avait dit que le fleuve obliquait à nouveau
vers l’est et nous avait parlé des gens qui nous ont aidés à traverser le bras
le plus large sur un radeau.
— On a toujours tendance à exagérer les merveilles qui sont
loin de chez soi, rappela Thonolan. Je pense que la fameuse « Sœur »
dont nous a parlé Tamen n’est qu’un autre bras du fleuve, beaucoup plus loin à
l’est.
— Souhaitons que tu aies raison, Petit Frère. Car si la
Sœur existe vraiment, nous serons obligés de la traverser pour atteindre ces
montagnes.
— Tant que je ne l’aurai pas vue, je n’y croirai pas.
Un gros nuage noir surgi à l’horizon attira soudain l’attention
de Jondalar. En entendant le bruit que faisait cet étrange nuage qui se
déplaçait dans le sens contraire du vent, il sut aussitôt que c’était des oies
sauvages. Quand elles arrivèrent à l’aplomb des deux frères, leur formation
dessinait dans le ciel un V parfait et leurs cris étaient assourdissants.
Virant de bord toutes ensemble, elles obscurcirent un instant le ciel,
descendirent en piqué et s’éparpillèrent en approchant du sol, battant des
ailes pour freiner. Elles s’étaient posées derrière le coude que faisait le
fleuve, hors de vue des deux frères.
— Ces oies sauvages ne se sont pas arrêtées par
hasard ! s’écria aussitôt Thonolan. Il doit y avoir un marais. Peut-être
même un lac ou une mer. Je parie que nous avons atteint l’embouchure du fleuve.
— Montons en haut de cette colline, proposa Jondalar, sur
un ton qui indiquait clairement qu’il ne partageait pas l’avis de son frère.
Nous verrons bien.
La montée était rude, les deux frères respiraient bruyamment et,
quand ils arrivèrent au sommet, la perspective qu’ils découvrirent acheva de
leur couper le souffle. Au-delà de la boucle, le fleuve s’élargissait et son
cours devenait de plus en plus tumultueux au fur et à mesure qu’il approchait
d’une vaste étendue d’eau boueuse qui charriait toutes sortes de débris. Des
branches brisées, des cadavres d’animaux et même des arbres entiers
tournoyaient à la surface de l’eau, agités en tous sens par des courants
contraires.
Les deux frères n’avaient pas atteint l’embouchure de la Grande
Rivière Mère mais l’endroit où la Sœur se jetait dans l’immense fleuve.
La Sœur avait pris naissance tout en haut des montagnes qui se
trouvaient en face d’eux. Elle n’était d’abord que torrents et ruisseaux. Puis
ces petits cours d’eau se transformaient en rivières, dévalant le long des
pentes de la face ouest de la seconde chaîne de montagnes. Comme aucun lac,
aucune retenue ne venait freiner leur course, les eaux tourbillonnantes
gagnaient en force et en vitesse au fur et à mesure qu’elles s’approchaient de
la plaine où elles se réunissaient enfin. Le seul frein que rencontrait la Sœur
turbulente était la Grande Rivière Mère dans laquelle elle venait se jeter.
L’affluent était presque aussi large que le fleuve et, à
l’endroit où ces deux géants se rencontraient, ils luttaient l’un contre
l’autre de toute la force de leurs courants antagonistes. Vaincu par le fleuve,
l’affluent reculait, puis repartait à l’assaut, jetant dans la bataille toute
la panoplie de ses courants. Les tourbillons entraînaient les débris vers le
fond, puis les rejetaient à la surface un peu plus loin en aval. La confluence
des deux cours d’eau créait un lac aux contours changeants et si vaste que les
deux frères ne pouvaient apercevoir la rive opposée.
Avec la fin des crues, le niveau des eaux
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