La Vallée des chevaux
pour te nourrir. Ce n’est pas
moi qui vais te donner du lait, je n’en avais déjà pas assez pour nourrir Durc.
Cela n’a pas empêché mon fils de grandir. Je trouverai bien quelque chose pour
te nourrir. Toi aussi, il va falloir te sevrer. Viens avec moi, bébé,
ajouta-t-elle en entraînant la jeune pouliche vers la plage.
En arrivant près du feu, Ayla aperçut un lynx qui était en train
de lui voler un morceau de cette viande si difficilement gagnée. Lâchant la
pouliche, elle saisit sa fronde et, quand le lynx releva la tête, lança deux
pierres coup sur coup.
Avec une fronde, tu peux tuer un lynx, lui avait dit Zoug un
jour. Mais ne t’attaque jamais à un animal plus gros que le lynx. Et Ayla avait
eu maintes fois l’occasion de vérifier que Zoug avait raison.
Elle replaça la viande près du feu et y traîna le corps sans vie
du félin. En voyant son tableau de chasse – l’imposant tas de viande,
la peau couverte de boue de la jument, la fourrure du glouton et celle du lynx – elle
éclata soudain de rire. J’avais besoin de viande, se dit-elle. J’avais besoin
de fourrure. Et maintenant, je n’aurai pas assez de mes deux mains pour
m’occuper de tout ça.
Effrayée par le feu, la jeune pouliche s’était légèrement
éloignée. Ayla alla chercher une longue lanière et, s’approchant avec
précaution de l’animal, elle la lui passa autour du cou et la ramena vers la
plage où elle l’attacha au tronc d’un arbuste. Elle retourna prendre ses épieux
qu’elle avait laissés près de la fosse et, à son retour, comme la jeune
pouliche recommençait à lui sucer les doigts, elle se demanda ce qu’elle
pourrait lui donner à manger.
Elle lui proposa une brassée d’herbes, mais le petit cheval ne
semblait pas savoir ce que c’était. Elle songea alors aux céréales qu’elle
avait fait cuire la veille au soir et auxquelles elle avait à peine touché. Si
les petits des chevaux étaient comme les bébés du Clan, ils devaient pouvoir
manger la même nourriture que leur mère à condition que celle-ci soit liquide.
Ayla ajouta de l’eau dans le récipient qui contenait les céréales et les écrasa
pour obtenir une bouillie qu’elle proposa à la jeune pouliche. Celle-ci renifla
la bouillie, puis recula quand Ayla lui enfonça le museau dans le récipient.
Comme elle recommençait à sucer les doigts d’Ayla, la jeune
femme plongea ses deux mains dans le récipient. La jeune pouliche accepta alors
d’y goûter. La bouillie dut lui plaire car, sans qu’Ayla ait besoin d’insister,
elle nettoya le contenu du récipient.
J’ai l’impression qu’il va falloir que je ramasse plus de grains
que prévu, songea Ayla. Dire qu’elle avait tué la mère de ce poulain pour
pouvoir se nourrir et que maintenant, elle serait obligée de faire provision de
grains pour nourrir le bébé ! Si les membres du Clan étaient là, ils ne
manqueraient pas de dire qu’elle se conduisait d’une manière bien étrange.
Maintenant que je suis seule, je fais ce que je veux, se dit-elle en enfonçant
l’extrémité d’une petite branche dans un morceau de viande qu’elle plaça
au-dessus des braises. Dès qu’elle eut fini de manger, elle se mit au travail.
Quand la lune apparut à nouveau dans le ciel, elle était
toujours en train de découper la viande en fines tranches. Autour de la plage
brûlaient de nombreux feux qu’elle avait disposés en cercle et qu’elle
alimentait régulièrement avec des bois flottés. A l’intérieur de ce cercle, la
viande, placée sur des cordes, était en train de sécher. Roulées un peu à
l’écart se trouvaient la fourrure fauve du lynx et celle, marron, du glouton,
dont elle ne pourrait s’occuper que plus tard. Elle avait lavé la peau de la
jument et l’avait mise à sécher sur des pierres. Après avoir nettoyé l’estomac
de l’animal, elle l’avait rempli d’eau pour qu’il reste souple et posé à côté
de la peau. Elle avait aussi mis à sécher les tendons, nettoyé les intestins,
rangé en tas les os et les sabots et mis de côté la graisse qu’elle ferait
fondre plus tard et verserait à l’intérieur des intestins pour la conserver. En
dépiautant les deux carnassiers, elle avait réussi à récupérer un peu de
graisse qu’elle utiliserait pour des lampes ou pour imperméabiliser des peaux.
Elle s’était débarrassée de leur chair, dont le goût lui déplaisait.
Elle allait retourner à la rivière pour y laver un
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