La Vallée des chevaux
aux yeux de son frère. Devant son air déçu, ce dernier réprima un
sourire.
— Ton idée n’est pas si mauvaise que ça, dit-il autant pour
faire plaisir à son frère que parce qu’il ne voyait pas d’autre solution. Mais
il va falloir que nous remontions la rivière. Plus haut, elle doit être plus
large, donc moins profonde et moins rapide. Nous traverserons plus facilement.
— Mettons-nous en route tout de suite, proposa Thonolan.
— Je veux d’abord aller voir ces aulnes. Nous avons
absolument besoin de sagaies plus solides que les nôtres. Nous aurions dû nous
en occuper hier soir.
— Tu t’inquiètes encore à cause de ce rhinocéros ?
s’étonna Thonolan. Il doit être loin maintenant.
— Je vais couper le bois, ce sera toujours ça de fait.
— Coupes-en donc pour moi. Pendant ce temps-là, je prépare
la tente.
Jondalar prit son coup-de-poing en silex et, après en avoir
vérifié le tranchant, partit en direction de la colline où poussaient les
aulnes. Il examina avec attention les arbres et en choisit finalement un au
tronc haut et droit. Il l’avait abattu et débarrassé de ses branches et était
en train d’en sélectionner un second pour Thonolan quand, soudain, il entendit un
grondement, puis des grognements, non loin de là. Son frère se mit à crier.
L’instant d’après, il hurlait de douleur. Puis ce fut le silence, un silence
qui laissait présager le pire.
— Thonolan ! Thonolan ! hurla Jondalar en
dévalant la colline. Tenant toujours le jeune arbre qu’il venait de couper, il
courut comme un fou : il vit un énorme rhinocéros laineux qui poussait
devant lui la forme inanimée d’un homme. La bête semblait ne pas savoir quoi
faire de sa victime. Jondalar ne perdit pas de temps à réfléchir. Se servant du
tronc de l’aulne comme d’une massue, il fonça sur l’animal et lui en assena un
coup sur le groin, juste au-dessous de sa longue corne incurvée. Puis, à
nouveau, il le frappa au même endroit. Le rhinocéros recula. Il s’immobilisa,
comme s’il hésitait à charger ce fou furieux qui venait de lui faire mal, et
partit au petit trot avant que Jondalar ait pu le frapper une troisième fois.
Les coups n’avaient pas dû lui faire grand mal mais l’incitaient à décamper.
La longue hampe en aulne traversa l’air en sifflant, ratant de
peu l’arrière-train de l’énorme bête. Jondalar courut la ramasser, puis il se
précipita vers son frère qui gisait toujours sur le ventre dans la position où
le rhinocéros l’avait abandonné.
— Thonolan ? Thonolan ! cria Jondalar en
retournant son frère sur le dos.
Les pantalons en peau de Thonolan étaient déchirés à la hauteur
de l’aine et couverts de sang.
— Thonolan ! Oh, Doni !
Posant l’oreille sur la poitrine de son frère, Jondalar eut
l’impression que son cœur battait toujours. Mais peut-être n’était-ce qu’une
illusion ? Quand il vit que la poitrine du blessé se soulevait
régulièrement, il poussa un soupir de soulagement.
— Il est vivant ! Mais que vais-je faire de lui ?
se demanda-t-il à haute voix en soulevant avec précaution son frère inanimé.
Oh, Doni ! Oh, Grande Terre Mère ! Ne le prends pas encore !
Laisse-le vivre, je T’en prie... supplia-t-il, un sanglot dans la voix.
Laissant tomber son visage contre l’épaule de son frère, il
pleura sans retenue. Puis il releva la tête et transporta Thonolan à
l’intérieur de la tente.
Après l’avoir déposé avec précaution sur une des fourrures, il
prit son couteau et découpa les pantalons et la tunique de son frère. La seule
blessure visible était celle qu’il portait en haut de la jambe gauche : la
corne du rhinocéros avait déchiré la chair et pénétré jusqu’au muscle. Mais
Thonolan avait dû aussi être touché plus haut, car sa poitrine était violacée
du côté gauche. Jondalar tâta avec précaution l’endroit tuméfié et s’aperçut
aussitôt qu’il avait plusieurs côtes cassées.
En voyant que la blessure de la jambe continuait à saigner, il
fouilla dans son sac et en sortit sa tunique d’été. Il épongea le sang qui
imprégnait la peau sur laquelle Thonolan était couché et posa la tunique sur la
blessure.
— Doni ! Doni ! Je ne sais pas quoi faire,
s’écria-t-il en passant nerveusement ses mains pleines de sang dans ses
cheveux. Je ne suis pas un Homme Qui Guérit, je ne suis pas un zelandoni...
De l’écorce de saule, je vais faire
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