La vengeance d'isabeau
recherches, ta fille après toi pour délivrer notre race de cette différence qui nous singularise, mais ne les laisse pas l’oublier. Elle est notre force. Elle est-ce que nous avons de plus précieux.
Dis à ta mère que je lui demande pardon. Une fois encore et pour la dernière. Et plus que tout, reste cette grande dame que tu es.
Ta grand-mère, Isabeau. »
Marie replia soigneusement la lettre à l’écriture penchée et tremblante, un sourire léger au cœur de sa peine. Elle comprenait mieux désormais pourquoi François I er l’avait introduite en cour de France, et sa pâleur lorsqu’elle lui avait annoncé la mort d’Isabeau.
Elle moucha la chandelle, ferma les yeux, puis murmura dans le silence retombé de la maisonnée, serrant le petit corps de sa fille plus fort contre le sien :
— Tu te trompais, Isabeau. Le roi t’aimait.
Il fallut quelques jours encore pour que le château sorte de l’engourdissement que le deuil avait provoqué. Seuls les enfants avaient retrouvé leur entrain, bousculant cette vie ralentie.
Gasparde ne quittait pas sa mère et avait repris son pouce à sucer, Marie ne trouvant pas la force de la gronder. Bertille lui donnait du souci. Elle boitait et semblait fatiguée. La disparition d’Isabeau l’affectait visiblement mais elle était persuadée que ce n’était pas son seul tourment. Un matin qu’elle aidait en cuisine, Marie demanda si Jean avait été prévenu. Albérie répondit par l’affirmative :
— Son courrier a précédé ton arrivée de quelques heures. Il aurait voulu être à nos côtés, mais on ne lui a pas accordé l’autorisation de quitter son poste, dans le Nord.
— Se porte-t-il bien ? demanda Marie qui n’avait pas eu de ses nouvelles depuis qu’elle avait regagné Paris en juillet dernier. La mort du dauphin François et sa culpabilité lui avaient fait tout oublier.
— Il semble. Il écrit souvent pour s’inquiéter des enfants. Et de toi, ajouta Albérie. C’est un bon garçon au fond, il aurait mérité que tu en fasses un époux. Je n’aime pas l’idée que la guerre éclate de nouveau et nous l’enlève.
— Le roi n’y tient pas, affirma Marie. Il a assigné Charles Quint à comparaître devant un lit de justice, mais celui-ci lui a ri au nez. S’il s’entête, les combats reprendront sûrement. Jean le sait.
Bertille s’éclaircit la voix pour feindre une simple curiosité :
— As-tu vu Constant à Paris ?
— Non, Bertille, avoua Marie, notant la tristesse de son regard. T’a-t-il écrit ?
Bertille secoua la tête et Marie sentit la détresse monter en elle. Elle s’approcha et s’agenouilla pour enlacer la petite femme.
— Pourquoi ne lui rendrais-tu pas visite ?
Bertille racla sa gorge :
— Non, je suis trop vieille, désormais. Et puis il nous a fait trop de peine. Il mérite bien ce qui lui arrive !
— Ne fais pas comme Isabeau, ne reste pas sur des regrets.
Marie déplia la lettre qu’elle gardait sur son cœur et la lut aux deux femmes. Ensuite, elle empoigna Bertille par la taille et l’assit sur la table, malgré ses protestations.
— C’est ton fils, Bertille, et je sais que tu aimes Solène autant que moi. Que tu le veuilles ou non, je te ramène à Paris et nous irons ensemble visiter ce petit-fils qu’ils t’ont donné. Ensuite, tu décideras où tes vieux jours se dérouleront.
— Cela te sera pénible… nota la naine.
— Autant que pour lui l’an dernier. Isabeau avait raison, Bertille. Il faut affronter la réalité, quelle qu’elle soit, quoi qu’il en coûte. Nos erreurs doivent nous servir à avancer, pas à nous leurrer. C’est à ce prix que nos vies ont un sens. Au printemps nous irons. J’écrirai à Jean dès demain. Je sais combien la mort d’Isabeau a dû l’affecter. Il doit savoir que nous tenons à ce qu’il revienne.
— L’épouseras-tu finalement ?
Marie laissa le silence accompagner sa réflexion.
— Peut-être est-il temps, oui, d’accepter ce que je ne peux changer.
— Tu renonces donc à Constant ? Malgré la lettre d’Isabeau !
— C’est lui qui a renoncé à moi, tante Albérie. Savais-tu pour le roi ? demanda-t-elle encore.
— Moi, je le savais, répondit Bertille en souriant, mais elle ne me l’a jamais dit. Jacques de Chabannes avait su se l’attacher et elle lui est restée Fidèle. Je me souviens de sa première rencontre avec François I er . Quelque chose de
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