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La vengeance d'isabeau

La vengeance d'isabeau

Titel: La vengeance d'isabeau Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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s’éloignèrent, reprenant leurs jeux sitôt l’angle du corridor tourné.
    Marie emmena Gasparde dans sa chambre. Bercée par la tendresse de sa mère retrouvée, l’enfant ne tarda pas à s’endormir sur le lit, contre elle. Marie laissa les paroles d’Albérie soulager sa tête lourde.
     
    L’office avait été sobre, aussi simple qu’Isabeau. Ils l’avaient enterrée dans le caveau des Chazeron et nul n’avait songé à s’enquérir de sa légitimité. Elle avait conquis tous les cœurs à Vollore et personne jamais ne s’était inquiété de son passé. Albérie ne mentionna pas son décès dans les registres du castel. Isabelle de Saint-Chamond n’avait jamais existé et Isabeau était défunte un certain jour de l’an 1500. Trente-sept ans plus tard, il ne restait d’elle que des souvenirs, l’héritage des Chazeron que sa vengeance leur avait légué et cette lettre.
    Marie l’ouvrit alors que la nuit descendait sur Vollore, une nuit froide de février. La neige tombait silencieuse sur les toits d’ardoises, mais le souffle régulier de Gasparde réchauffait son sein et son cœur.
    « Ma très chère enfant.
    Mes forces s’amenuisent depuis quelques semaines sans que j’y puisse rien changer. Le temps désormais m’est compté. Je le sens. Je le sais. Je n’en dis mot à quiconque pour ne pas ajouter à ma propre peine celle de ma famille mais je crois qu’Albérie l’a deviné. Voici deux nuits que les loups hurlent sous ma croisée. Elle l’a forcément remarqué. Je ne te reverrai donc pas et je le regrette, comme tant d’autres choses.
    J’ai échoué, Marie. Je n’ai su percer le secret de la transmutation. Cette potion somme toute n’a été qu’un coup de chance, ou un coup de folie ! J’étais alors entre femme et louve, laquelle des deux a engendré ce mystère, je l’ignore toujours, j’avais seulement cet insaisissable sentiment que quelque chose à travers moi devait s’accomplir. Tu le sais, je ne suis pas loquace, je ne l’ai jamais été. Par pudeur, par honte peut-être. Il y a tant de choses que j’aurais voulu vous dire, je ne les ai qu’effleurées. Ta mère me manque, Marie, comme un enfant avorté, j’aurais tant voulu la regarder naître une seconde fois. À la première, je n’étais que haine. Elle m’a appris l’amour, la notion de clan, de famille, d’héritage aussi.
    Tu m’as permis de regarder s’épanouir d’autres enfants, insouciants et libres. Même si le mien ne m’appelle que grand-mère, il me nourrit d’un lien avec mon passé et Loraline. J’ai tour à tour honte, regret ou tendresse de l’avoir enfanté. Honte pour tout le mal que j’ai répandu à chercher la vengeance. Elle est vaine, Marie. Au-delà des acquis, de cette terre qui en a résulté. Elle n’a été que tourments, vanité et blessures. Son prix m’a ôté depuis longtemps une réelle soif de vivre. Tout se paie. Tout, Marie.
    Voilà pourquoi je me livre à toi aujourd’hui. Ce que tu détiens de domaines, de pouvoir, aucun des miens autrefois n’en aurait seulement rêvé. J’ai bousculé l’ordre des choses, vous ai forgé un destin par des actes qui, je le croyais, étaient sans conséquences. Je voudrais que tu t’en souviennes à l’heure des choix, pour te préserver telle que je t’aime, sincère, altruiste, appliquée et curieuse, juste, généreuse et tendre. Ne laisse pas le pouvoir te corrompre, l’argent t’avilir, l’amour te faner. Garde devant tes yeux cette enfant du miroir, celle de la rue, celle des mendiants, pour ne jamais oublier ni d’où tu viens ni ce que tu es.
    Il y a mille façons de transformer un individu en monstre. Cette potion n’en offrait que l’apparence. Plus vilaine est celle de la cupidité, de l’ignorance, de l’orgueil et de la jalousie. Les dangers en sont réels en cour de France. Je m’en suis préservée. Je n’ai aimé de toute mon âme qu’un seul homme après Jacques de Chabannes. Il me l’a bien rendu, même s’il n’en a rien su. Cet homme qui fut mon roi et demeure le tien n’a jamais pu voir qui j’étais en réalité. Ne reproduis pas la même erreur, Marie. Constant a de l’orgueil, et cet orgueil l’a conduit en épousailles, pourtant lui seul te connaît comme je te connais.
    Un jour viendra, mon enfant, où il te faudra regarder cette vérité en face et l’accepter. Te battre pour elle sera peut-être ta seule façon de ne pas te perdre à jamais. Continue mes

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