La vengeance d'isabeau
frais, dispos, jeunet
Ainsi tremblante et détournant les yeux
Henri, lui dis-je. Ah ! n’en serez, déçue
Reprit Amour et soudain à ma vue
Va présentant un laurier merveilleux.
« Mieux vaut, lui dis-je, être sage que reine. »
Mais me sentis et frémir et trembler
Diane faillit vous devinez sans peine
De quel matin je prétends reparler.
De rage, Catherine envoya le rouleau de papier contre le mur. Les traits crispés sur une haine vorace, elle grogna en serrant les poings :
— Tu me donneras un fils, un royaume et un titre, jeune fou, ensuite tu mourras, dussé-je pour ce faire implorer le diable en personne !
— Marie ! Appela-t-elle en traînant son ombre revêche dans les couloirs.
Mais Marie ne lui répondit pas. Un courrier venait de lui parvenir d’Auvergne. Recroquevillée sur son lit défait, elle pleurait à chaudes larmes. La missive était brève et provenait d’Albérie :
« Isabeau s’est éteinte ce matin. Nous t’attendons. »
Deux semaines plus tard, elle se jetait dans les bras de ses enfants et prenait son deuil.
— C’est Bertille qui l’a trouvée un jour qu’elle tardait à paraître. Elle est morte dans son sommeil, sereine, souriante et reposée, lui exposa Albérie dont le visage était marqué par le chagrin. En rangeant ses affaires, j’ai trouvé ceci, ajouta-t-elle en tendant une lettre à Marie. Sans doute voulait-elle te l’expédier. Je l’ignore. Ton nom y est inscrit. Je ne l’ai pas ouverte.
Marie la tourna et la retourna entre ses doigts glacés.
— J’ai besoin d’être seule.
— Nous veillerons à ce que tu ne sois pas dérangée, l’assura Huc avec tendresse.
Marie soupira en le détaillant à regret. Lui aussi avait changé. Ses cheveux étaient blanchis entièrement désormais, son visage creusé de rides et ses épaules voûtées. « Ainsi va la vie. Elle n’attend pas que se réalisent les rêves et les espoirs de chacun », songea-t-elle en se dirigeant vers l’escalier qui conduisait à sa chambre, la tête bourdonnante d’une migraine tenace.
Marie trouva sa fille les bras surchargés de poupées, assise sur le palier de l’escalier.
— Regarde, c’est grand-mère Isabeau qui me les a fabriquées. J’en ai une pour chaque mois de l’année, dit-elle fièrement. Tu as pleuré, mère ?
— C’est du bonheur de vous retrouver, mentit à moitié Marie en soulevant la fillette potelée dans ses bras. Tu as bien grandi durant mon absence. Les garçons ont-ils été gentils avec toi ?
— Oh ! Non. Ils tirent mes tresses et défont mes lacets. Gabriel a même ouvert le ventre d’une de mes poupées pour l’opérer.
— Pour l’opérer ?
— Oui ! Il a pris le grand livre que grand-père nous a envoyé, tu sais, celui où on voit des gens couchés avec…
— Je vois, affirma Marie en imaginant la curiosité des garçons devant le traité de médecine et de chirurgie de Paracelse. Albérie les a grondés, j’espère…
— Oh ! Oui, ils ont pris du fouet, mais ma poupée était navrée et Isabeau a dû la refaire. Elle lui a donné un joli nom : Loraline. C’est joli, pas vrai, maman ?
— Très joli, Gasparde. Oui, très joli, chuchota Marie en songeant à Ma, dont soudain l’absence la poignarda.
— Tu pleures, maman ? Pourquoi ? demanda l’enfant, l’œil mouillé à son tour de la peine qu’elle lisait sur son visage.
D’un coup, elle lâcha à terre ses poupées de chiffon et entoura sa mère de ses petits bras, en nichant sa bouche dans son cou.
— Isabeau nous a quittés, Gasparde. Sais-tu ce que cela signifie ? murmura Marie.
— Pas trop bien. Je sais qu’elle dort dans une grande boîte. C’est une drôle de litière. Mais tante Albérie dit que c’est ainsi que l’on voyage pour aller au Paradis. Est-ce qu’elle reviendra bientôt ?
— Non, ma chérie, nous ne la reverrons jamais.
— Elle ne viendra plus jouer avec nous ?
— Non, Gasparde.
D’un seul coup, la fillette fondit en larmes et hoqueta dans le cou de sa mère :
— Alors, je n’aurai plus jamais de poupées ?
— Bien sûr que si, ma chérie, mais elles seront différentes. Tout sera différent.
Marie entendit les garçons se chamailler au pied de l’escalier. D’un pas mal assuré, alourdie par sa charge, elle descendit les gronder. Devant le tourment affiché sans fausse pudeur sur ses traits, ils baissèrent la tête et
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