La vengeance d'isabeau
étais si différente, si belle, aussi inaccessible que celles qu’on regardait passer dans ces litières dorées. Tu étais faite pour être l’une d’elles. Et moi rien qu’un mendiant sur ton chemin.
Comment avait-elle pu être aussi aveugle, passer de l’autre côté du miroir sans s’en apercevoir ?
— Souviens-toi de ce que nous disait Croquemitaine, Constant : « Au-delà de l’apparence, il y a un cœur qui bat. Et les émotions qu’il exprime restent les mêmes quel que soit l’habit ou le faciès qu’il porte. » Je n’ai pas changé.
— Je l’ai compris lorsque tu es venue t’installer ici, que tu as accueilli Solène et retrouvé ta simplicité d’autrefois. Qu’allons-nous devenir, Marie ? Je t’aime tant.
— Moiaussi, Constant. Mais nos erreurs ont changé nos vies . Tu es marié et cet enfant doit rester le tien à présent que Jean n’est plus. Je suis la maîtresse de Montmorency et je dois le demeurer pour protéger mon secretcontre la haine de la Médicis.
— Ton secret ?
— C’est moi qui suis responsable de la mort du dauphin.
Constant écarquilla les yeux tandis qu’elle lui racontait tout. Lorsqu’elle se tut, il était rongé de colère.
— Elle t’a manipulée. Tu dois révéler la vérité au roi. Il saura t’entendre et te pardonner.
— Un jour peut-être. C’est trop tôt. Je ne peux prendre le risque aujourd’hui d’être exécutée pour ce crime, Constant. Isabeau est morte et mon père a besoin d’argent autant que d’aide pour sauver Ma. Il ne reste que moi pour conjurer la malédiction.
— Qu’en sera-t-il de nous ?
— C’est à Solène d’en décider puisque votre union n’est que de convenance. À toi aussi d’accepter de me partager le temps qu’il faudra.
Constant se rembrunit. Marie vit ses poings se contracter sur son combat intérieur.
— Cette nuit, demanda-t-il, était-ce comme…
— Non, l’interrompit-elle. Toi tu m’as rendue femme, vraiment, en me rendant entière. Aucun jamais ne pourra me combler de ce bonheur-là.
Il l’enlaça et la coucha sur le lit. Elle s’abandonna à la tendresse de sa bouche qui fouillait la sienne, réveillant chaque parcelle d’un désir sans âge.
— Je serai patient, murmura-t-il en se redressant. Allons éveiller Solène.
Mais Marie noua ses bras autour de son cou et l’attira à elle.
— Nous avons tout le temps, gémit-elle. C’est dimanche et ton jour de congé.
Constant n’hésita pas un instant. Ils avaient trop souffert de ne pouvoir s’aimer.
Malgré son chagrin à la perte de Jean, Solène s’avoua heureuse de leur réconciliation. Elle les aimait sincèrement comme frère et sœur, et s’accorda de leur complicité. Bertille fut à peine déçue d’apprendre la vérité à propos de Bertrand tant elle se réjouissait de la fin de leurs hostilités.
— Il est toujours mon petit-fils et je voudrais voir qu’on y vienne rien changer, ajouta-t-elle en embrassant goulûment le garçonnet.
Ce à quoi le garnement répliqua en la labourant de coups de pied.
19
Courant juin, une heureuse nouvelle enflamma le cœur de la France. Sur l’insistance du pape Paul III, les rois François I er et Charles Quint, qui s’étaient retrouvés à Nice, acceptaient de conclure une trêve de dix années au terme d’un laborieux compromis. François restait en possession de la Bresse, du Bugey et des deux tiers du Piémont, Charles Quint récupérait la totalité du Milanais augmenté du reste du Piémont.
La France allait pouvoir souffler et se reconstruire. C’est au lendemain de cette annonce que Marie et Solène ouvrirent leur boutique de lingerie.
Marie était retournée à la cour de Catherine pour l’en informer et espérait la voir se radoucir. Celle-ci la toisa avec mépris et lui jeta :
— On ne peut être à la fois noble et simple roturière. Vous avez choisi votre camp. La régression n’est pas le mien !
Fort heureusement, Marie gardait des soutiens parmi les dames de compagnie auxquelles elle raconta que son époux était mort au combat et que, désormais veuve, elle avait eu envie de reprendre l’enseigne de sa « prétendue » tante. Certaines trouvèrent remarquable son courage et légitime son désir d’être utile.
Lorsque les hommes étaient en guerre, beaucoup d’entre elles s’ennuyaient. Elles promirent de lui rendre visite, d’autant plus qu’elle était toujours la maîtresse
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