La vengeance d'isabeau
en titre de Montmorency.
Celui-ci avait encouragé son entreprise, sans doute poussé par le roi. Il se flattait, disait-il, de savoir que comme La Palice avant lui, il avait pour amante femme d’aussi grande ambition et détermination. Un billet de François I er l’assurait en outre d’avoir en sa personne un solide client.
En août 1538, on racontait partout que François I er et Charles Quint s’étaient couverts de présents et étalaient une belle amitié. Le courrier de Montmorency que reçut Marie lui révélait que cette entente sonnait plus faux qu’un luth désaccordé et qu’il fallait encore se méfier de Charles Quint. Anne se disait désireux de la revoir et insistait pour qu’elle rejoignît les errances du roi au long de l’hiver.
Marie lui répondit qu’elle le retrouverait avec plaisir sitôt qu’elle pourrait se reposer sur son employée. Elle n’y songeait pas réellement, tant chaque nuit Constant s’empressait de rattraper dans sa couche ces années perdues.
— Donne-moi un fils, disait-il souvent.
— Non, Constant. Je me suis prétendue veuve, si j’attendais un enfant, les mauvaises langues auraient tôt fait de salir une réputation que j’ai réussi à préserver. D’autres l’attribueraient au connétable de France. Je ne peux m’y risquer. Sois patient. Tu me l’as promis.
Il s’y soumettait, mais ne renonçait pas à son idée. Et de fait, si elle n’avait utilisé son savoir des plantes pour se maintenir stérile, nul doute qu’il aurait eu tôt fait de la rendre grosse.
Son bonheur toucha son apogée un matin du début septembre lorsqu’elle vit jaillir trois crinières bouclées, riant et se bousculant à sa porte. Albérie lui avait fait la surprise de la visiter avec les triplés. Comme ils lui avaient manqué ! Ils se languissaient aussi de Bertille et ce fut une belle fête que ces retrouvailles dans le logis illuminé de tendresse.
Lorsqu’ils furent couchés et endormis, Albérie tendit une lettre à Marie. Elle était ouverte et adressée à Huc :
« Mon ami,
Je voulais vous informer que je suis toujours en vie, bien qu’inapte désormais au bonheur d’une femme. La guerre m’a volé une jambe et cette virilité que j’avais en excès. Peut-être était-il temps d’en recevoir le châtiment de Dieu ? Je l’accepte.
Je ne sais comment avouer cette infirmité à Marie. Je demeure pour l’heure dans un monastère où mes soins furent longs sans que je trouve le courage de me résoudre à cet état, indigne d’un homme. Je songe à y rester. Vous saurez sans doute mieux dire ces choses que je ne le ferais. Transmettez à Constant mon amitié qui n’était pas feinte. La guerre l’a vengé. Puisse-t-il désormais vivre en paix.
Jean La tour. »
Une émotion intense étreignait le cœur de Marie lorsqu’elle releva les yeux de cette lettre qu’Albérie l’avait invitée à parcourir.
Solène berçait Bertrand, confortablement installé contre son sein. L’enfanteau énervé par la présence des triplés avait plus de difficulté à s’endormir que ceux-ci, épuisés par toutes les nouveautés que leur long voyage avait révélées.
— Il est en vie, Solène, Jean est en vie, annonça Marie Comme la jeune femme relevait la tête, l’œil brillant d’espoir. Ce n’est plus tout à fait le même, continua-l-elle troublée.
Mieux qu’une explication, elle lui porta la missive, puis l’embrassa par-dessus son chaperon.
— Sois courageuse.
Le lendemain, elles lui écrivaient ensemble leur affection et leur souhait qu’il revienne auprès des seuls enfants qu’il aurait jamais. Constant à son tour ajouta un mot qui commençait par « mon frère » et s’achevait sur un espoir de pardon.
Ils étaient une famille. Blessée, agrandie, endeuillée, mais une famille à part entière. Rien ne pourrait plus les séparer.
Avec octobre 1539, un billet de Montmorency rappela Marie à la cour. Il désirait l’entretenir et profiter de ce qu’il passait par Paris pour la combler de tendresse. Constant oscilla entre l’orgueil et la complaisance, luttant pour se tenir à sa promesse. Marie ne s’y attarda pas. Triboulet, que son grand âge avait fait remplacer dans les errances du roi, restait dans le sillage de Catherine ainsi que Constant le lui avait demandé.
Marie savait ainsi que la duchessina faisait régulièrement appel à nombre de mages, de cartomanciens et d’astrologues, dont Michel
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