La vengeance d'isabeau
que tu comprendrais aussitôt ce qui se passait.
— Et que devrais-je comprendre ? demanda Marie agacée.
— Ton collier, continua Solène en pouffant. C’est lui qui t’a sauvée.
— Qu’est-ce que tu racontes ? interrogea-t-elle, déroutée par ces paroles absurdes.
— Les philtres d’amour ne sont pas tous à boire ou à manger, Marie, s’amusa Solène. Je suis sûre qu’en aucune circonstance il n’a voulu te séparer du collier, ajouta-t-elle en pouffant de nouveau.
Marie porta la main à son cou. Elle revoyait défiler des images. Dans chacune d’elles, le regard du connétable accrochait le bijou avant de la beliner.
− Un sortilège, s’exclama-t-elle. Tu as jeté un sortilège aux diamants !
— Mais bien sûr, voyons. Oh ! Je ne doute pas de l’affection réelle qu’il te porte, assura la gitane pour ne pas la blesser, mais elle n’aurait pu l’empêcher de te perdre pour se sauver. Alors je me suis dit qu’il fallait y remédier. C’était facile.
Elle voulut garder son sérieux mais, devant la mine déconfite de Marie, n’y tint pas longtemps. Elle se leva du fauteuil en riant aux éclats et l’enlaça.
— Oh ! Pardon, pardon, j’aurais dû te prévenir, mais j’étais sûre que tu t’en apercevrais. Je voulais tellement te voir sauve.
Marie noua un bras autour de la gitane et lui pinça les joues, sa gaieté retrouvée.
— Et moi qui croyais qu’il voulait vraiment m’épouser, glapit-elle.
L’hilarité de Constant mourut aussitôt et Marie s’arrêta sur son inquiétude. Elle repoussa Solène et alla s’agenouiller devant lui.
— C’est fini. Je lui ai donné son congé.
— Tu ne regrettes rien ? Questionna-t-il en retrouvant sa bonne humeur.
— Rien, Constant, assura-t-elle.
Il marqua un temps de silence, entrecoupé par les hoquets que son fou rire avait provoqués à Solène.
— Lui as-tu annoncé pour l’enfant ?
Elle secoua la tête.
— Il n’est pas le père que je veux lui donner, tu le sais bien.
— Es-tu sûre de ton choix comme je le suis du mien ?
— Oui, Constant. Si tu acceptes mon amour autant que mes péchés.
— Je ne pourrai pas le légitimer, Marie. Je suis marié. Et quand bien même, je n’ai pas de nom respectable à lui offrir.
— Je m’en moque. Comme lui et mes autres enfants, tu prendras celui de Chazeron. Je n’ai aucune honte à le porter. Tu es le seul que j’aimerai jamais.
Elle coucha sa tête sur ses genoux et laissa les doigts de son amant caresser sa joue. Son regard accrocha celui de Jean que Solène, enfin calmée, avait enlacé. Il était empli d’une tendresse sincère de laquelle la passion s’était éloignée, même si en lui le désir courait. Jean était ainsi fait, mais il avait trouvé la paix et Marie sentit une vague de bonheur la submerger.
Fin janvier, Charles Quint quittait le sol de France après avoir traversé Chantilly où Montmorency l’accueillit avec déférence, et séjourné à Villers-Cotterêts, ce château dont le roi vantait la chasse. À aucun moment les beaux-frères n’évoquèrent l’Italie ou d’autres affaires. Ils se séparèrent bons amis, mais l’empereur garda jalousie au roi de ses magnificences et le roi rancune à l’empereur de ne l’avoir pas remercié autrement que par une embrassade des dépenses auxquelles il avait consenti.
Trois jours plus tard, le connétable de France suivait la recommandation du roi et se retirait sur ses terres, sans que le nom de la comtesse de Châteaubriant fût seulement murmuré.
21
Gasparde regardait un faon qui tremblait sur la neige épaisse, les pattes enfoncées haut en lisière du talus. Depuis la fenêtre de la salle de jeu, elle sentait monter en elle un sentiment de pitié grandissant.
— Regarde, Noirot, dit-elle au chien qui dormait à ses pieds. Regarde ! ordonna-t-elle en lui tirant le col.
L’animal s’assit, bâilla et appuya son museau contre la vitre.
— Il a perdu sa maman, chuchota Gasparde les larmes aux yeux. Elle est partie et il est tout seul. Comme moi.
Elle hésita encore, jeta un coup d’œil agacé aux garçons qui jouaient à la guerre avec des soldats de bois peints, se convainquit qu’ils ne pouvaient pas comprendre et se décida :
— Viens, dit-elle à Noirot. On va le chercher. Il fait trop froid dehors.
La fillette enfila ses bottes fourrées, ajusta sa toque sur sa tête et boutonna sa cape avec application.
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