La vengeance d'isabeau
avec l’empereur, et Marie évita de se mêler à leur échange, profitant pour attendre de l’embrassade généreuse que lui offrit la sœur du roi.
— Vous voilà rayonnante, affirma Marguerite d’Angoulême. Où en sont nos affaires ? Continua-t-elle plus bas.
— Leur dénouement est proche, Madame.
— Puis-je vous aider ?
— Il me serait utile de glisser quelques mots à mon roi.
— Furetez jusqu’à la fenêtre en retrait, à dextre. J’en fais mon affaire, affirma Marguerite en lui prenant le bras de connivence.
Elles se séparèrent, amusées l’une et l’autre de leur belle entente. En un instant, le charisme et la spontanéité de Marguerite réunissaient Charles Quint et sa sœur, la reine Eléonore, dans un échange enjoué. François I er , grimaçant sous le poids d’une douleur soudaine qu’accentuait un boitillement, s’écarta d’eux en s’excusant et gagna le renfoncement qu’une tenture drapait. Marie passa à ses côtés et le salua selon l’usage, sans s’attarder à son contact pour ne pas attirer outre mesure l’attention des espions de la Médicis, qu’elle savait nombreux. Suffisamment pourtant pour lui glisser :
— Sire, ne punissez point Montmorency trop vite. Quoi qu’on vous dise ou montre, ayez confiance en moi, en souvenir de cet amour sincère qu’Isabelle de Saint-Ghamond vous porta.
SI le roi s’en étonna, il n’en marqua rien et la laissa s’éloigner sur un compliment anodin. En apparence tout au moins, car Marie ne s’y trompa pas :
— Ma douleur se perd dans votre éclat, lingère de mon cœur !
La phrase amusa quelques faces grivoises, mais la toucha au plus secret de son combat.
La Médicis parut quelques instants plus tard, son accent italien roulant dans sa bouche sèche comme autant d’hypocrites crachats. Marie veilla à s’en tenir écartée. Elle ne voulait pas la provoquer avant d’avoir entretenu le roi.
Peu avant que la cour ne se disperse pour s’apprêter à la chasse, Marie rejoignit Montmorency. Au fil des conversations, des renseignements glanés çà et là, une idée lui était venue qu’elle désirait lui soumettre. Il lui offrit son bras comme elle minaudait :
— Raccompagnez-moi, Anne, voulez-vous. Catherine tient à ce que nous portions toutes nos calçons plutôt qu’une jupe pour monter à cheval. Puisqu’ils viennent de ma boutique, j’aurais mauvaise grâce à les cacher, qu’en pensez-vous ?
— Je n’en pense que du bien, très chère, et vous conduis céans à votre chambrière !
Ils s’éloignèrent ainsi sous les gloussements des dames qui n’osaient pas adopter cette nouvelle mode lancée par la Médicis pour son seul confort, et les sourires pincés de celles que Montmorency avait galamment écartées de sa couche.
Au détour d’un corridor, Marie avisa qu’ils étaient seuls.
— Le roi m’entendra à votre propos, Anne. Chez vous. Nous y serons à l’abri des indiscrets. Charles Quint doit faire son entrée à Paris et passera sous vos fenêtres. Offrez-les au roi en observatoire. Il comprendra.
— Vos désirs sont des ordres, mon amour, chuchota-t-il comme on les rejoignait déjà.
— Attention, mon cher, s’esclaffa le comte de Elois, une damoiselle accrochée à chaque bras, avec de tels arguments avant peu vous serez marié !
— Vous l’êtes bien, mon cher, repartit Montmorency sur le même ton, et si j’en juge, n’en souffrez pas !
— Parbleu, que si ! objecta le comte qui passait pour un vaillant paillard, fort marri du peu d’entrain de son épouse. Voyez donc le poids de mes chaînes, mon ami ! Tant qu’il me faut jeune assistance à les porter.
Marie se prit à rire et s’immisça dans le jeu :
— Venez-vous chasser, comte ?
— Nenni, nenni ! Je ne saurai faire de différence entre mon épouse et un pesant goret ! Je laisse à d’autres le soin de l’abattre pour n’être point condamné !
Les jouvencelles lâchèrent un petit rire tandis qu’il leur pinçait les fesses.
— Ecoute-les glousser, mon ami, lâcha-t-il à Montmorency d’un air entendu. De vraies cailles à mettre en canapé. J’y cours.
Montmorency abandonna Marie au seuil de sa chambre en songeant qu’il y a peu encore, il aurait à l’exemple du comte soudoyé quelques catins pour le distraire. Ce bougre avait raison. Il pensait bien trop à Marie.
Le reste de la journée se passa à traquer un beau cerf en une battue qui
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