La vengeance d'isabeau
qu’il nous plaira, rectifia Jean. Nous viendrons. Vous viendrez. Il est grand temps que tu retournes parmi les tiens.
— Ils me manquent, c’est vrai.
— Alors c’est réglé. Vollore va retrouver sa dame. Comment croyez-vous que je serai dans le rôle du seigneur ? demanda Constant, taquin.
— Comme un coq en pâte ! assura Marie en ébouriffant ses épis pour en faire une crête farouchement désordonnée.
Teinté de tristesse, leur rire sonna comme un chant d’oiseau au printemps. Huc, ils le savaient, n’aurait pas rêvé plus bel hommage.
Il ne fallut que huit jours pour tout régler. Avec l’accord de Solène et de Jean, Marie fit mettre en vente le logis d’Albérie et leur donna celui qui jouxtait la boutique. Elle restait propriétaire des murs et de l’affaire, mais laissait à Solène une grande part des bénéfices contre la gérance. Ainsi, Jean, elle et leur fils pourraient vivre sans souci. Comme autrefois et à jamais, leur porte resterait ouverte sur la misère. Cette misère dans laquelle ils étaient nés et qu’ils ne voulaient pas oublier. Solène s’engageait à envoyer régulièrement de l’argent à Philippus et à rendre des comptes périodiques à Marie.
Elle-même n’espérait plus qu’une chose : retrouver ses enfants et mettre au monde celui qu’elle portait. Ensuite, comme elle l’avait promis, elle rejoindrait son père et Ma, tandis que Constant demeurerait avec Bertille et Albérie pour veiller sur Vollore.
Gasparde se rua littéralement dans les jambes de sa mère et ne fut satisfaite que lorsque celle-ci la souleva dans ses bras pour l’embrasser.
— Tu as fort grandi, ma princesse, s’attendrit Marie, et je doute pouvoir encore te porter à mon cou longtemps.
— Si, toujours, toujours ! Répéta la petiote, trop heureuse de retrouver sa chaleur.
Marie parvint tout de même à la reposer à terre, pour ménager son ventre qui commençait à repousser gaillardement l’étoffe de ses jupes. Elle enlaça Albérie, de noir vêtue. Son visage était boursouflé, vieilli d’un coup. Marie mit longtemps à se détacher d’elle, comme si par ce seul contact elle avait pu l’apaiser. Ensuite, elle embrassa les garçons qui manifestaient quant à eux bien plus d’intérêt à Bertille qu’à elle. La naine en était toute retournée.
La demeure leur sembla triste et vide. Une âme de plus s’en était allée.
— Je serai la troisième, annonça Albérie le soir, à la veillée.
— Je ne permettrai pas que tu meures avant que la malédiction soit conjurée, répliqua Marie. Dès que l’enfant sera né, je partirai.
Albérie ne répondit rien. Elle se moquait bien désormais de n’être qu’une moitié de femme. Elle n’avait rêvé d’être libre que pour donner un héritier à son époux. Et les terres de la Faye, c’est Antoine et Gabriel qui en avaient hérité en place de ces enfants qu’elle n’avait pas portés.
Les jours qui suivirent furent moroses. Malgré les efforts de Constant pour distraire leurs envies, les garnements ramenaient toujours la conversation sur le prévôt : Huc ferait, Huc disait, Huc, Huc… Sa mort leur avait ôté un repère car ils le suivaient partout, à la chasse, à la pêche, visitant les moulins, les coustelleurs, les fermages. Plus que la mort d’Isabeau, celle-ci les déroutait.
Peu à peu cependant, Constant gagna leur confiance. Marie s’en attendrit le jour où, pour répondre à une question d’Antoine, Constant répliqua : « Désormais, votre père, c’est moi. Et rien ni personne ne me fera vous abandonner, jamais. » Cette phrase-là, elle l’avait espérée des années durant et cela modifia le cours des événements.
— Il faut que tu regardes droit devant toi en tenant la bride ferme ! Expliquait avec sérieux Antoine à Constant tandis que, juché sur une jument conciliante, ce dernier désespérait d’y rester.
Gabriel pouffa en dissimulant dans sa main l’aiguille à coudre qu’il avait chapardée dans le panier à ouvrage d’Albérie. Il avait beau savoir qu’il se ferait réprimander sévèrement, il y avait songé toute la nuit avant de succomber à une tentation trop forte.
N’y tenant plus, il avait finalement convaincu son frère que c’était la seule solution.
Pour l’heure, Constant ne se doutait de rien. Il prenait très au sérieux son rôle de père et savait que monter à cheval faisait désormais partie de ses
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