La vengeance d'isabeau
donnerait belle naissance à vaillante joute.
— Ah ! Marie, Marie ! clamait-il en se retirant. Enseignez donc votre art à ces amants !
— Je m’y emploie, Sire, je m’y emploie !
Mais ce n’était que boutade. Catherine était sèche.
Elle s’était attachée à son époux, mais son unique amour était en Italie, avait-elle confié à Marie. Elle n’avait eu de cœur que pour son cousin, Hippolyte de Médicis, durant ces années où on l’avait séquestrée au mieux des intérêts de ce monde. Elle n’avait jusque-là connu qu’une existence triste et terne parmi les moniales. De la splendeur passée des Médicis ne lui restaient que des récits. Pas de mémoire. Elle vouait donc une profonde reconnaissance au roi de la conserver près du trône, même si elle le détestait de permettre que son époux se batte pour les couleurs de Diane de Poitiers.
Henri aimait Diane. Tendrement, sans espoir. La cour entière le savait. S’il était vaillant à jouter, plus d’une fois au moment de jouir, c’était son prénom à elle qu’il prononçait. Catherine faisait mine de ne rien entendre. Elle n’éprouvait rien. Ni désir ni plaisir. Seulement l’attachement d’une orpheline à la terre qui lui avait donné un nom. Elle ne s’en confiait pas à Anne de Pisse-leu, mais à Marie.
— Que disent les astres ? lui demandait-elle souvent.
— Que vous serez mère et puissante, affirmait Marie avec certitude.
— Plus puissante que Diane ?
— Elle fanera, Catherine, et l’on vous vénérera.
— Apprends-moi les simples qui guérissent et ceux qu’il ne faut pas employer, suppliait-elle encore.
Marie hochait la tête, heureuse de s’évader en mettant à profit les connaissances de son père et de sa grand-mère. Elle lui parlait d’astrologie, d’anatomie, de théories alchimiques et de pharmacaitrie. Catherine faisait remplir ses jardins de plantes médicinales, prétendant que son savoir venait d’Italie. Car enéchange decelui qu’elle détenait, Marie avait exigé unediscrétiontotale. Pour rien au monde elle n’aurait voulu attirerune nouvelle fois l’attention.
— Connais-tu le secret des poisons ?
Marie savait qu’un jour elle aurait à répondre à cette question.
— Celui qui guérit peut tuer, Duchesse, mais cetteexpression des choses ne m’intéresse pas. Je ne vousenseignerai que ce que je sais. Et cela je ne le sais pas .
Catherine avait feint de la croire, mais Marie n’était pas dupe. Elle ignorait quels étaient les desseins cachés de Catherine et s’en méfiait. C’était une catholique dont la foi puissante exécrait celle des luthériens. Si elle avait su que Marie les soutenait dans l’ombre, sans doute jamais ne lui aurait-elle confié combien l’odeur des chairs brûlées facilitait ses prières et la berçait !
À cause même de cette ferveur religieuse exacerbée qui agaçait Marie, Catherine était inquiète. Le roi s’alliait ouvertement avec le Grand Turc et dès les premiers jours de 1535 avait dépêché un ambassadeur permanent à Constantinople. Le seul but avoué de cette alliance était d’empêcher Charles Quint d’étendre son pouvoir en Europe.
— Sire, écoutez votre cœur, non votre orgueil, osa lui suggérer Marie, comme le roi l’avait fait mander.
Un sourire entrouvrit la barbe gourmande de François I er .
— C’est pour nourrir les deux que vous êtes ici, Marie. Antoine du Bourg me supplie de cesser de faire des martyrs. La ligue de Smalkalde s’indigne de voir cette répression, autant que de m’imaginer saluant l’islam. Charles Quint m’exaspère et l’Italie m’obsède. Ah ! Marie, Marie, n’avez-vous point compris ce qui meguide ?
Marie secoua la tête. Elle s’était abrutie pour ne pas trembler des mois durant, se moquant bien de la politique.
— Cesser ces massacres, plier devant la foi des hérétiques aurait desservi le royaume, Marie. Au regard de la chrétienté, je suis le roi d’une France fille aînée de l’Église . Je distrais mes journées à la chasse, dans le lit des pucelles ou des catins, composant des poèmes et visitant mes artistes. La nuit pourtant, j’entends des cris et ceux que j’ai condamnés semblent me dire : « Des nôtres tu es le premier. »
Le roi passa une main lasse dans sa chevelure bouclée. Marie était gênée par cette confession, dans laquelle elle ne savait trop où était sa place. Le roi poursuivait cependant,
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