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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rigoulot
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marché intérieur capable de consommer. Par quoi on en revenait aux masses paysannes et à la « réforme » qui leur permettrait de s’enrichir.
    Quant aux mesures de rétorsion prévisibles de la part des États-Unis, il faudrait pouvoir s’en défendre en leur retirant toute efficacité, en nationalisant par exemple les ressources naturelles tout comme l’électricité et le téléphone, « donnés [ sic ] par la dictature de Batista à des consortiums étrangers ».
    Malgré – ou à cause de – cette vision d’ensemble, on assigna seulement à Guevara la section concernant l’industrialisation de l’agriculture au sein de l’INRA et c’est un homme qui passait pour un subordonné de Guevara, Nuñez Jimenez, un géographe communiste de la plus triste orthodoxie, que Fidel installa à la tête de l’ensemble.
    Fidel Castro avait ses raisons, il est vrai : il savait que Guevara, toujours pressé, avait tendance à brûler les étapes, que l’attente n’était justifiée pour lui que si l’on ne pouvait vraiment faire autrement et qu’il avait comme devise de « forcer la marche des événements à l’intérieur de ce qui était objectivement possible » ou qu’il jugeait tel – ce qui n’était pas la même chose. Guevara ne comprenait pas non plus que tout dire n’était pas nécessairement utile à la Révolution. En novembre 1959, par exemple, il ne put s’empêcher de lâcher que la réforme agraire viserait plus des « coopératives de communes » qu’autre chose. Un partage des terres ne lui semblait pas faire avancer la Révolution. Renforcer le sens de la propriété chez les paysans n’était pas souhaitable et René Dumont se souvient que Guevara insistait pour donner aux paysans le sens des responsabilités (révolutionnaires, socialistes, nationales, etc.) plus que ce sens de la propriété 84 .
    Ce sont bien des kolkhozes qui furent mis en place, preuve qu’il n’y avait pas de désaccord de fond entre Guevara et Castro, qui voulait gagner du temps face aux Américains alors que le Che ne voulait surtout pas en perdre ! Et, rebaptisés « granjas del pueblo 85   » (fermes du peuple), ils ne furent pas plus efficaces à Cuba qu’en URSS…
    Guevara, sans doute pressé par Castro, fit quelques efforts de discrétion. Il n’annonça pas urbi et orbi qu’il avait fait venir des économistes communistes, chiliens et équatoriens, pour l’aider dans sa tâche. Lui qui préférait évoquer le futur lointain plutôt que les difficultés présentes, acceptait tant bien que mal de se plier aux ordres de Fidel et à sa devise « Larvatus prodeo » (J’avance masqué) . Un mot suffit, moins grossier que « fermes du peuple », pour cacher la réalité de l’étatisation en marche de l’économie cubaine : « intervention ». Les « nationalisations » n’existaient pas. Il n’y avait que des « interventions » de l’État – et encore : des « interventions » punitives, puisqu’elles étaient seulement appliquées à ceux des anciens patrons qui n’avaient pas confiance dans la révolution et n’investissaient pas.
    Guevara au placard
    Pourtant, même à son nouveau poste, Guevara était « au placard ». Castro avait une totale confiance en son honnêteté. Il pouvait l’inviter à participer à une réunion de mise sur pied de la Sécurité d’État et, on l’a dit, il deviendra ministre de l’Industrie, mais le département qui s’occupait au sein de l’INRA de l’industrialisation était plus une manière de think tank qu’une institution importante de gestion. À la fin de l’année 1959, « ce département contrôlait 41 petites et moyennes entreprises où travaillaient 2 253 ouvriers 86  ». Pas de quoi pavoiser, même si, en octobre 1960, elles étaient presque 400 et près de 700 à la fin de l’année, dont quasiment toutes les raffineries de sucre. Malgré ces changements, malgré ses fonctions bien réelles à l’INRA et plus tard à la Banque nationale ou au ministère de l’Industrie, subsiste l’impression qu’il était mis à l’écart. On le voit ainsi plus souvent dans les réceptions d’ambassade – qu’il détestait – ou publiant des articles dans Verde Olivo que participant aux décisions du gouvernement, y compris dans les moments les plus graves : où est Guevara, par exemple, lors de l’attaque de la baie des Cochons ? On ne l’a certes pas envoyé à Jakarta cette fois, mais on

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