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La véritable histoire d'Ernesto Guevara

La véritable histoire d'Ernesto Guevara

Titel: La véritable histoire d'Ernesto Guevara Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Rigoulot
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cédé au chantage américain. Advienne que pourra, ils auraient tiré sur les États-Unis plutôt que de céder…
    Les rapports avec les Soviétiques étaient aussi rendus difficiles du fait d’une divergence fondamentale sur la manière de prendre le pouvoir. En favorisant la voie parlementaire, la voie pacifique vers le socialisme, les Soviétiques, aux yeux du Che, livraient la classe ouvrière et les peuples pieds et poings liés à la classe dirigeante. Guevara, éloigné des débats et de l’ébullition intellectuelle suscités dans le mouvement communiste en Europe, était resté un « archéo-communiste », un stalinien, adepte d’une confrontation politique, économique, idéologique propre au paroxysme de la guerre froide. Sa formation intellectuelle et politique avait été acquise à la fin des années 1940 et au début des années 1950, avec ces monuments de la pensée qu’étaient Jdanov et Staline. C’était le temps du schisme yougoslave, du blocus de Berlin, de la science bourgeoise et de sa rivale prolétarienne, le temps de la guerre de Corée.
    En 1962, les Soviétiques avaient évolué. C’est Khrouchtchev qui présidait à leur avenir politique et la direction du PC de l’URSS examina de près le « cas » Guevara, d’autant qu’il leur semblait prendre un peu d’autonomie par rapport au Père tout puissant et se réserver discrètement une aire d’action politique originale, avec sa « commune expérimentale », ses protégés au Ministère, comme Enrique Oltuski, démis de ses fonctions de ministre des Communications sous la pression des communistes en 1961, Jorge Masetti, lui aussi en délicatesse avec les communistes au sein de l’agence de presse Prensa Latina, ou Alberto Mora, rejeté du ministère du Commerce extérieur par Fidel au milieu de l’année 1964, et dont il fit un de ses conseillers 93 … Ces postes n’étaient en fait que des sas avant l’éloignement. Le droit d’asile avait ses limites et jamais Guevara n’aurait voulu entrer à cette époque en conflit avec Castro. Padilla fut envoyé à Prague et Mora à Paris pour y travailler avec Bettelheim (alors pro-Chinois) sans que le Che protestât…
    Guevara resta pourtant longtemps le défenseur de l’URSS. Quand le poète contestataire Herberto Padilla voulut la critiquer devant lui, il lui coupa la parole. Il n’avait même pas besoin de l’entendre. Il savait qu’il y avait beaucoup à redire. Il l’avait vue lui-même. Mais sa réponse était qu’il fallait injecter plus de socialisme. Sans doute est-ce pourquoi on peut le dire « pro-Chinois » voire trotskiste si cela a un sens. L’importance de l’éducation communiste et du sacrifice individuel, il la trouvait davantage chez les Chinois que chez les Soviétiques, sur lesquels il comptait pour défendre l’île. C’est à Mora que Che fit l’aveu bien connu : « Je vis comme quelqu’un de déchiré en deux, 24 heures sur 24, complètement déchiré et je n’ai personne à qui le dire. Même si je le disais, on ne me croirait pas »…
    Guevara se rendit pour la dernière fois en URSS le 4 novembre 1964 – sa femme attendait alors leur quatrième enfant. Rien n’était réglé de ce qui l’opposait aux Soviétiques. Ceux-ci obtinrent la tenue d’une réunion des PC latino-américains à La Havane. Elle eut bien lieu mais ne donna pas de résultats. Guevara s’était abstenu d’y participer. Pendant qu’elle se déroulait, il se rendit en tournée dans l’Oriente et critiqua indirectement toute politique d’apaisement lors d’un discours à Santiago le 30 novembre où il se déchaîna contre les impérialistes, des « bêtes » au niveau des nazis. Organiser la coexistence pacifique avec eux ? Sans y être opposé en théorie, Guevara jugeait qu’elle n’était de toute façon envisageable que si, d’abord, les États-Unis démantelaient leurs bases à Panamá, à Porto Rico et Cuba.
    Fidel jugeait utile que Guevara fustige les impérialistes et rappelait souvent la légitimité des guérillas… Mais il profitait des violences verbales du Che pour se situer en sage à mi-chemin du révisionnisme parlementariste et du gauchisme attaché à la seule lutte armée. Les Soviétiques firent pression jusqu’au bout pour l’isoler. Et, quand il sera en Bolivie, on verra bien qu’il ne se faisait aucune illusion sur eux et sur ce qu’ils pensaient de lui : « Nos amis m’appellent le nouveau Bakounine et se

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