La vie quotidienne en chine: A la veille de l'invasion mongole (1250-1276) (Picquier poche) (French Edition)
C’est peu probable : la légèreté des matériaux et du mobilier,
l’appui mutuel que se prêtaient ces maisons dans
les quartiers surpeuplés de Hangzhou firent sans
doute qu’on n’eut pas à prendre pour les bâtir
de précautions particulières. A la vérité, ces
immeubles tenaient plus de l’échafaudage que de
la maison urbaine d’Europe à la même époque.
Le toit, qui est la partie principale et la plus
coûteuse des bâtiments, est construit dès que
les piliers nécessaires à le soutenir sont en
place. Toujours à deux pentes, il repose sur unecombinaison d’entraits et d’arbalétriers et, parfois également, à l’extérieur, de consoles dont la
superposition, dans les plus beaux édifices, fait
qu’il semble se détacher du reste de la construction et reposer dans les airs. Les parties apparentes de la charpente sont alors finement
sculptées et peintes de couleurs vives. Les plus
beaux toits, aux tuiles émaillées de couleurs
jaune, vert pâle ou gris jade, aux extrémités
légèrement relevées sont en parfaite harmonie
avec les arbres proches et la courbe capricieuse
des collines qui entourent le lac.
La coutume de relever le bord des toits n’est
sans doute pas encore très ancienne au XIII e siècle.
Elle n’a dû se répandre en effet que sous la
dynastie des Tang ( VII e - X e siècle), et le procédé
auquel on avait alors recours pour obtenir cette
courbure était encore assez maladroit : un architecte du XI e siècle, qui a laissé un important traité
sur les règles de son art et qui nous fait part de
son admiration pour les constructeurs de
l’époque des Tang, ajoute qu’ils n’étaient pas
très habiles à relever l’extrémité des toitures 3 . Il
convient de noter d’ailleurs que ces toits courbes
étaient réservés, par les ordonnances impériales,
aux résidences des personnes de la haute société
et aux bâtiments officiels. Du reste, pour la
construction des toits de boutiques et des maisons populaires, on ne se souciait pas de sacrifier à cette mode coûteuse.
De même, les ornements en forme d’aigrettes
et les petits animaux en terre cuite, dragons et
phénix, qui apparaissent sur les arêtes et les
bords des toits des maisons de nobles et de fonctionnaires ainsi que sur les bâtiments officiels
étaient interdits aux gens du commun 4 . Au début
du XII e siècle, les toits de la capitale des Song du
Nord, Kaifeng, tels qu’on peut les voir sur les
peintures de l’époque, étaient recouverts de deux
sortes de tuiles, et il est probable qu’il en était de
même à Hangzhou où l’on s’efforçait d’imiter
en toute chose les usages de Kaifeng : certaines
tuiles, dénommées « tuiles-planchettes » et qui
avaient la forme de longues tablettes disposées
horizontalement, n’apparaissent que sur les toits
des boutiques et des maisons des gens du peuple ;
les autres, de forme arrondie, semblables à celles
qui sont en usage dans le Midi de la France,
étaient réservées aux édifices publics et aux résidences des personnes de la haute société 5 .
C’étaient les seules tuiles qu’on se donnât la
peine d’émailler.
L’emploi de piliers portant les planchers et le
toit permet de dégager les façades. En dehors
des parties pleines en briques légères qui
offrent peu de résistance aux rats et aux
voleurs, on emploie des stores, des tentures et
des treillages en bambou amovibles. Les parties pleines, à l’exception des murs sous
pignons qui sont aveugles, ne s’élèvent qu’àcinquante centimètres environ au-dessus des
planchers. Ainsi, les habitants peuvent mieux
profiter de la fraîcheur du soir et, quand la maison est bien située, jouir de la beauté du paysage. Les fenêtres sont faites de treillages en
carrés dont les parties vides sont tendues de
papiers huilés que l’on vend sur les marchés de
Hangzhou 6 . Ces fenêtres quadrillées sont du
plus heureux effet décoratif.
Les maisons des quartiers populaires surplombent directement la rue, à moins qu’elles
n’en soient séparées par une cour. Dans tous les
cas, boutiques, restaurants ou petits ateliers artisanaux occupent le rez-de-chaussée. Cette
ouverture des maisons sur la rue est sans doute
typique des villes chinoises depuis les Song et
elle donne à Hangzhou un aspect accueillant
que les capitales de l’époque des Tang, aux maisons repliées sur elles-mêmes et aux quartiers
clos par des murs de terre sèche, ne devaient
avoir que dans quelques rues
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