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La ville qui n'aimait pas son roi

La ville qui n'aimait pas son roi

Titel: La ville qui n'aimait pas son roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean (d) Aillon
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cachait pas. Ses clients n’étaient pas ces débardeurs ou ces crocheteurs qui proposaient
     leur force sur les marchés, et encore moins des guilleris ou des barbets venus de la cour des miracles. On y voyait des bourgeois
     en habit sombre, des hommes de loi en robe noire, tous catholiques à gros grain, et surtout des gentilshommes en manteau de
     serge verte ou brune affichant fièrement des doubles croix blanches sur leur épaule et tenant rosaire en main. La plupart
     portaient chapeau pointu et n’avaient à la bouche que des propos ligueurs.
    Une fille de salle, épaisse et charnue, vint leur proposer un clairet de Montmartre, puis, l’heure avançant, ilsse firent servir à dîner. Comme la salle se remplissait, quelques gentilshommes et bourgeois se joignirent à leur table, mais
     sans chercher à converser.
    Durant le repas, Caudebec et Olivier remarquèrent un groupe d’estafiers bruyants et insolents, barbe et moustaches en pointe,
     qui s’installaient pour ripailler autour de deux grandes tables. Ce n’était pas des truands ni des coupe-jarrets, mais plutôt
     des gentilshommes d’aventure, des cadets sans fortune, ce genre de traîneurs d’épée qu’on appelait en Italie des bravi . Tous affichaient des croix de Lorraine sur leur épais pourpoint de taffetas, tous portaient des rapières longues comme un
     jour sans pain et des bonnets ou des chapeaux à plume de coq.
    Le dîner terminé, l’aubergiste, homme à gros ventre et joviale figure, vint leur demander si la nourriture leur avait convenu.
    — Je ne vous avais jamais vus, dit-il à la fin avec une ombre de méfiance, peut-être pour tenter d’en savoir plus sur eux.
    Devant l’air brusquement féroce de Caudebec, il ajouta à voix basse et d’un ton conciliant :
    — C’est pour bientôt, n’est-ce pas?
    — Pour Quasimodo, répliqua Olivier.
    L’autre hocha la tête, certain désormais d’avoir devant lui des gens de la Ligue.
    — Mon auberge ne désemplit pas depuis quelques jours. Le duc sait qu’il peut compter sur moi…
    — Ils sont avec nous? demanda Olivier, en montrant d’un signe de tête le bruyant groupe d’estafiers.
    — Non, ceux-là logent ici, mais ce ne sont pas des gentilshommes de Mgr de Guise. Les gens du duc sont autrement discrets… Comme vous…
    Il mit un doigt sur sa bouche avec la mine de celui qui en sait beaucoup plus et Olivier approuva du chef.
    — Nous attendons des amis. Nous viendrons chaque jour jusqu’à ce qu’ils soient arrivés, dit-il en faisant signe au cabaretier de s’asseoir avec eux.
    — Je peux vous aider? demanda l’autre en s’installant sur le banc.
    — Pourquoi pas! L’un d’eux se nomme M. de Thermy…
    — Je ne le connais pas.
    — Si un gentilhomme de ce nom se présente, vous lui direz que nous sommes venus. Je m’appelle Jean de La Ville. Thermy nous a donné rendez-vous ici pour nous présenter à ses amis…
    — Ces amis, vous savez leurs noms?
    — Tu t’en souviens? demanda Olivier à Caudebec.
    — Non… il y avait un Bardot? Bordeaux peut-être? C’est ça : Pierre de Bordeaux!
    — Bordeaux? Cela ne me dit rien, dit l’aubergiste en écarquillant les yeux.
    — Je ne suis pas sûr du nom, s’excusa Caudebec en vidant son verre.
    — Vous voulez que je me renseigne? demanda le cabaretier.
    — Surtout pas! Pas un mot à quiconque, le duc de Guise fait vite pendre les bavards!
    — Je serai muet comme une tombe! jura l’aubergiste, brusquement pris de peur.
    — Vous avez des chambres ici?
    — Oui, mais elles sont toutes occupées par ces messieurs, dit-il en désignant de la tête le groupe de spadassins, et par quelques gentilshommes de messeigneurs de Guise ou de Mayenne. Je vous rapporte du vin?
    — Volontiers.
    — Ce Bordeaux aurait-il menti? demanda Caudebec avec inquiétude quand le cabaretier fut parti.
    — J’en ai l’impression. S’il avait habité ici, le bonhomme s’en souviendrait.
    — Espérons qu’il ne nous dénoncera pas. Pourquoi ne pas avoir parlé de Boisdauphin?
    — Attendons qu’il soit habitué à nous.
    — Nous sommes dans la fosse aux lions. Qui dit qu’à notre prochaine visite, ces gens-là (il montra les bravi ) ne vont pas nous tomber dessus?
    — Rien, et sois sûr que j’en suis terrorisé… Mais comment faire autrement? Et puis nous avons chacun une bonne épée et une jaque de mailles!
    Caudebec soupira.
    Ils restèrent jusqu’à la fin de l’après-midi,

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